La liberté d’expression, moyen ou but en soi ?
LE POINT DE VUE D'AYMERIC CHRISTENSEN - Il n’y a pas que la Californie qui brûle… À quelques jours du retour au pouvoir de Donald Trump, les guerres idéologiques menées par le milliardaire Elon Musk sur son réseau social X enflamment la planète entière.
Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de l'hebdomadaire La Vie. Crédits : DRPour paraphraser un ancien Président : notre maison brûle… mais pas seulement : notre raison brûle aussi, et nous avons bien du mal à regarder ailleurs. À coups de tweets permanents, Elon Musk mène une guerre ouverte aux médias traditionnels, aux politiques modérés, à la justice et aux experts, quels qu’ils soient. Panique à bord. Comment éviter la surchauffe et la radicalisation de tous ?
Le risque de fake news
Surtout dans un contexte où l’essor de l’intelligence artificielle accroît les risques de désinformation. Mais attention tout de même : on n’a pas attendu ni l’IA ni Elon Musk pour que la question soit préoccupante ! À l’ère des médias de masse, le relativisme, la manipulation, les torsions du langage ne sont pas l’apanage d’un « camp », même s’ils semblent démultipliés aujourd’hui par la puissance de l’argent, le contrôle des algorithmes et une mystique de la force virile.
Ces armes de l’intimidation et des mises au pilori, elles ont aussi été utilisées par d’autres au nom d’une idée du progrès. Or, la cause n’y change rien, un mal reste un mal. Et le bruit et la fureur du « buzz », comme le dit le pape, « non seulement déforme la réalité des faits, mais finit aussi par déformer les consciences en suscitant une perception erronée de la réalité ».
Le principe de liberté d'expression
Elon Musk se présente pourtant comme un défenseur de la liberté d’expression, en dénonçant des manipulations venues de la gauche. C’est un classique : le désordre préfère toujours se parer d’habits vertueux. Et les démocraties ne sont malheureusement pas irréprochables. Mais puisqu’on parle de liberté d’expression, arrêtons-nous un instant sur ce principe. Le « free speech » mis en avant par Elon Musk, c’est une liberté absolutisée. Mais à quoi sert-elle ? Est-ce que c’est la liberté de tout dire, parce que tout se vaut, et que le plus fort l’emporte ? Ou est-ce qu’elle est là pour rechercher ensemble, dans un dialogue franc et éclairé, ce qui est bon et vrai ?
Pour faire simple : la liberté est-elle un moyen au service de l’épanouissement humain, ou un but en soi, une machine folle ? Comme l’écrit l’apôtre Paul : « “Tout est permis”, mais tout n’est pas bon. “Tout est permis”, mais tout n’est pas constructif. »
Alors que fait-on ?
Faut-il se résoudre à censurer certains discours, voire à interdire X ? Prudence. C’est une vraie tentation, un réflexe de défense, mais c’est aussi un piège. On peut réfléchir à une façon de réguler, mais la censure est toujours une mauvaise réponse, qui entraînera d’autres retours de balancier. On a bien davantage besoin d’un authentique esprit critique.
Car le problème n’est pas seulement politique et culturel, il est éthique, social… et même sanitaire. On ne compte plus les dégâts des réseaux sociaux sur nos relations humaines et notre santé mentale. L’urgence, c’est aussi de réfléchir à la place que le numérique occupe dans nos vies. Si possible, avant qu’il nous consume à notre tour.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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