"L'écologie est une libération, une chance nécessaire, changements climatiques ou pas, effondrement de la biodiversité ou pas. Réduire sa consommation, ralentir, prendre soin de ses voisins et voisines, profiter des couchers de soleil et du chant des oiseaux, manger sainement, se libérer de la consommation, vivre dans un monde de justice et de paix… C’est une chance immense."
Les contes sont parfois utiles pour un premier pas, une première prise de conscience. Les petits écoliers et écolières récitent depuis Esope, des fables pleines de sagesses mais ce sont surtout des sagesses du quotidien, des illustrations de nos comportements. Quand il s’agit d’apporter une analyse sur une situation géopolitique mondiale, on touche vite aux limites de l’exercice.
La fable du colibri a deux défauts majeurs. Le premier, c’est de tout réduire à l’action individuelle. Si chacun fait sa part, alors tout ira bien. Or, non seulement c’est parfaitement faux, mais en plus c’est culpabilisant et donc démotivant. Que peut un individu seul face au rayon fruits et légumes de son supermarché ? Comment peut-on demander aux gens de prendre le train quand la voiture et même souvent l’avion, sont moins chers ? Comment réduire l’usage de la voiture quand les politiques publiques ont aménagé le territoire, urbain comme rural, autour de la voiture ? Nos petits choix individuels du quotidien sont louables et nécessaires mais bien insuffisants au regard du cataclysme climatique. Pour éteindre l’incendie, toute la bonne volonté des colibris ne servira à rien si dans le même temps, d’autres soufflent sur les braises.
Bien sûr que chacun et chacune doit agir, et agir à sa mesure. Mais la mesure du colibri n’est pas de transporter 3 pauvres gouttelettes d’eau. La mesure du colibri, c’est de fondre en masse sur les humains qui arrosent la forêt d’essence pour les harceler. C’est de mobiliser les phacochères et les éléphants pour qu’ils chargent ces humains. C’est de voler sur place en hauteur pour orienter les animaux qui chargent des baquets d’eau ou creusent des pares-feux !
Et puis, éteindre un incendie, c’est important. Se poser la question de l’origine de l’incendie, c’est mieux. Je crois fondamentalement que la grande erreur des écologistes, depuis même avant René Dumont, le premier candidat en 1974, c’est de n’avoir présenté l’écologie que comme une réponse à la crise climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Comme si l’écologie était un mal nécessaire. Comme si on n’avait pas le choix et qu’il fallait faire des « efforts », des « renoncements ».
Je crois bien au contraire que l’écologie est une libération, une chance nécessaire, changements climatiques ou pas, effondrement de la biodiversité ou pas. Réduire sa consommation, ralentir, prendre soin de ses voisins et voisines, profiter des couchers de soleil et du chant des oiseaux, manger sainement, se libérer de la consommation, vivre dans un monde de justice et de paix… C’est une chance immense. Se promener, lire un livre, jouer avec ses enfants ou regarder pousser une fleur, ça ne coûte rien. L’argent ne fait pas le bonheur dit-on, et pourtant, on continue à évaluer le niveau de bonheur à notre niveau de consommation.
Ce que la fable du colibri oublie, c’est que l’incendie est parti parce que la forêt était abîmée, que la concurrence régnait dans le monde animal … Finalement, l’incendie n’est qu’un révélateur. Nous n’arriverons pas à éteindre l’incendie si nous ne nous attaquons pas aux causes de l’incendie. Nous ne devons pas faire notre part, nous devons faire ce qui est nécessaire.
Jeunes de la "génération climat", Alexandre Poidatz et Stacy Algrain livrent en alternance, chaque semaine, leur regard sur l'écologie et leurs clés pour changer le monde.
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