LA TRIBUNE DE BENOIST DE SINETY - À l'occasion d'une nouvelle scène de vie, Benoist de Sinety nous raconte les difficultés pour les futurs mariés d'origine étrangère d'accueillir leurs proches en France.
Ils sont quatre, dans le salon du presbytère, assis. C’est la dernière rencontre de groupe de ce cycle de préparation au mariage pour les couples qui se marient cet été et qui s’y sont pris un peu tard. Session de repêchage en sorte.
C’est qu’ils ont de bonnes raisons puisque les deux demoiselles sont étrangères. Quelle drôle d’idée quand même d’épouser une étrangère ! Qu’on ne se plaigne pas ensuite que les renouvellements de permis de séjour tardent. L’une est syrienne, l’autre russe : pas vraiment des nationalités à la mode. L’une, en thèse, a attendu plus de six mois pour savoir si son renouvellement de visa étudiant allait ou pas lui permettre de terminer son travail et d’occuper le poste de chercheur qui lui était assuré à Lille. Finalement, l’autorisation fut accordée au printemps. D’où la course pour tout préparer, pour que le mariage soit célébré, pour faire venir les familles. Les familles justement : il n’y a que les parents qui se risquent au voyage. Tous les documents ont été remplis, les billets d’avion réglés, les formalités – innombrables – accomplies. Et on attend que daignent répondre les services concernés qui précisent que leur réponse peut attendre jusqu’à quelques heures avant que l'avion ne décolle. Seront-ils là dans trois semaines ? Vous verrez !
En attendant, ils sont là tous les quatre. Un franco-polonais, une syrienne, un français, une russe : ils partagent sur leur désir de construire leurs couples, de le fonder sur le Christ. Et dans ce monde de cinglés, ça fait du bien de les entendre avec leurs voix immensément fragiles, dans un français qui s’appuie un peu sur l’anglais, partager sur l’essentiel. Confiants, émus, rêveurs, pleins d’Espérance, ils disent que c’est important de prier. Et ils prient en confiant les pauvres, les exploités, les méprisés, les tout-petits qui s’invisibilisent. Ils ajoutent qu’il faut que nos yeux s’ouvrent et que nos mains demeurent tendues.
Ils portent avec eux, sur leurs épaules, une part du chaos du monde et de la violence de notre société. Mais ils en ont reçu la foi. La foi en un Dieu qui ne se lasse pas de venir à la rencontre de chacun pour avancer à ses côtés en tirant le poids parfois exténuant de l’injustice.
En les quittant, ils me disent : surtout, priez pour nous, pour qu’on puisse accepter qu’un refus de visa empêche nos parents de venir. À peine ces paroles prononcées que les yeux de nouveau s’embuent. Je me souviens avoir célébré il y a quelques mois les noces d’un couple franco-congolais. La moitié de la famille avait eu le droit de venir quelques jours en France, mais pas les parents de la mariée. Comme ça, sans raison. Par décision absolument jupitérienne, alors que toutes les conditions étaient remplies.
Le problème dans tout cela, ce n’est pas le refus, c’est l’injustice d’une administration qui ne respecte pas ses propres règles, d’un État qui ne s’applique pas à lui-même ses lois. Et ce ne sont pas ceux qui prônent la violence, du racisme ou de l’antisémitisme qui amélioreront les choses.
Que ces jeunes me demandent de prier pour qu’ils puissent accepter la décision inique, si elle survient, est admirable. Mais moi, comment puis-je agir pour que cette injustice cesse ?
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