Alors que les syndicats promettent de bloquer le pays, le Sénat poursuit imperturbablement son travail sur les retraites. Le projet de l'exécutif y est débattu en séance publique depuis jeudi dernier. L'examen de l'article 7, qui prévoit de repousser de 62 à 64 ans l'âge légal de départ, pourrait commencer dès ce mardi.
"Le monde syndical montre sa force", se réjouit Patrick Kanner, sénateur du Nord et président du groupe socialiste à la chambre haute. Le cortège parisien s'élancera à 14 heures du boulevard Raspail, en direction de la place d'Italie. Une note des services de renseignement prévoit entre 1,1 et 1,4 millions de manifestants dans tout le pays.
"Il paraît qu'il y a des milliers d'adhésions aujourd'hui dans les syndicats", s'exclame le parlementaire. Sur Europe 1 le 10 février, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, indiquait que son mouvement avait "dépassé les 10 000 nouvelles adhésions en un mois". "Nous avions un taux de syndicalisation parmi les plus faibles des pays européens", évoque Patrick Kanner au passé. "Cette force syndicale est en train de conforter le mouvement, et c'est tant mieux".
La balle est dans le camp de l'exécutif. "Ou bien les Français sont tous des idiots et n'ont rien compris", ironise-t-il ; sinon, "il est encore temps pour le gouvernement de dire : on revoit notre copie".
Le recours du gouvernement à l'article 47.1 est vécu comme un choix brutal par les opposants à la réforme. Méconnu, cet alinéa constitutionnel permet d'accélérer la procédure parlementaire. "Sur un projet aussi important qui aurait dû relever d'un projet de loi ordinaire, donnant le temps nécessaire pour y travailler, il y a un gong final, qui a eu lieu à l'Assemblée, qui peut avoir lieu au Sénat, le 12 mars à minuit", déplore l'élu socialiste. "La première obstruction, c'est celle du gouvernement", estime-t-il, retournant le procès en blocage intenté à son camp, pourvoyeur d'amendements tous azimuts. "Je le regrette, mais le Conseil constitutionnel aura à dire son mot en la matière", anticipe-t-il.
La première obstruction, c'est celle du gouvernement
L'ancien ministre veut que les gages donnés par l'exécutif ne dupent personne. Il évoque des "cavaliers sociaux" agités pour édulcorer le projet. "L'index seniors, qui n'a aucune conséquence financière, ce n'est qu'une incitation", dénonce-t-il, convaincu "à 95% qu'il sera retoqué" par le Conseil constitutionnel. "En France, on a un senior sur trois qui est aujourd'hui au travail, ce qui est dramatiquement faible".
C'est un vrai débat de société qu'aurait voulu Patrick Kanner. "On aurait dû d'abord évoquer bien d'autres sujets. La place du travail dans la société, la place des seniors dans la société, l'égalité des salaires, l'impact du télétravail, de l'ubérisation des emplois", énumère-t-il. "On aurait dû avoir une réflexion politique globale, la retraite n'étant qu'une conséquence de tout cela. Mais on a mis la charrue avant les bœufs", regrette-t-il, brocardant une réforme "comptable".
Le sénateur cible explicitement le président de la République, "l'homme non pas de la situation, mais de la provocation", l'instigateur de la réforme qui se garde bien de monter au front. "Réélu, il nous a dit : j'ai compris, je ne referai plus les mêmes erreurs. Et la première grande réforme qu'il porte, c'est la réforme des retraites dont les Français ne veulent pas", grince-t-il. "Comment voulez-vous qu'il n'ait pas une rupture du dialogue ?"
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