Les 25, 26 et 27 octobre dernier, la métropole toulousaine a offert aux habitants de la Ville rose et de ses environs, un étrange spectacle de rue : un opéra urbain intitulé Le gardien du temple, la porte des ténèbres. Le spectacle qui mettait en scène des monstres mécaniques avait des références ésotériques et sataniques explicites. Son affiche, quant à elle, représentait, outres les trois monstres principaux, des squelettes, un ange et une ville en feu que nombreux ont confondu avec une église en feu. Devant un tel spectacle une grande partie des chrétiens toulousains ont exprimé leur réprobation et Monseigneur de Kérimel, archevêque de Toulouse choisi de consacrer son du diocèse au Sacré-Cœur de Jésus. Clotilde Brossollet revient sur les réactions qu’ont suscité un tel spectacle.
Le désir de Monseigneur de Kérimel de « proposer quelque chose qui permette de regarder l’avenir avec confiance », de répondre au mal et à la mort par le cœur de Jésus ne peut qu’être loué. Toutefois, je m’interroge sur la nécessaire pédagogie qu’une telle réponse exige. Dans une société où 40 % des jeunes de moins de 35 ans croient à la sorcellerie, où la sorcière est devenue la figure modèle du féminisme et permet à Mona Chollet de vendre plus de 270 000 exemplaires de son ouvrage Sorcières.
La puissance invaincue des femmes, où sur les rayons spiritualité des librairies la dernière encyclique du Pape côtoie les grimoires et autres ouvrages sur le pouvoir des pierres, il n’est pas étonnant qu’un tel spectacle rencontre son public, un public qui n’est plus celui de quelques illuminés costumés de noir.
La sorcellerie et l’ésotérisme sont sortis des caves et la réponse apportée par l’Église toulousaine doit pouvoir être comprise, non seulement par les fidèles, mais aussi par le monde. Sans communication, sans explication, la consécration au Cœur-Sacré de Jésus, risque d’être comprise comme une sorte de reflexe de protection qui, à la magie maléfique, oppose le miracle christique.
Si son explication m’apparaît indispensable tout autant qu’elle, il me semble que la réponse doit aussi être politique et culturelle. L’ambiguïté sur les églises en feu représentées sur l’affiche pose la question de la prise en compte du fait religieux dans nos société, du respect qui lui est dû. Il faut être bien naïf ou hypocrite pour ne pas y voir les implications négatives d’une telle représentation dans une société fragmentée.
Là, l’Église en tant qu’institution se doit de demander des comptes. Elle doit aller au-delà de la réponse spirituelle et assumer qu’elle participe à la vie civique par son existence en tant que communauté humaine et est donc en droit d’exiger une réponse du politique et ne peut se contenter de celle apportée par le Président de la Métropole, Maire DVD de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, qui faisant part de son étonnement devant la polémique, affirmait que le seul but de ce spectacle était de faire rêver... Rêver peut-être mais à quoi ?
Si l’objectif de ce spectacle est de faire rêver, l’Église doit se poser aussi la question de ce que, elle, elle propose pour faire rêver. Pendant des siècles, l’Église a été un très grand mécène et par son soutien aux artistes, elle a pu offrir au monde des œuvres d’art qui élevaient l’âme humaine. Par l’art, elle savait qu’elle pouvait toucher non seulement les cœurs mais aussi les âmes. Nous pouvons déplorer ces spectacles qui exaltent les ténèbres mais est-ce que nous avons à offrir des spectacles qui donnent à voir la lumière ?
Les décors ont déserté nos églises contemporaines qui ne sont plus que des murs de bétons nus, nos artistes peinent à faire entendre que l’art sacré doit être rémunéré à sa juste valeur, nous laissons notre patrimoine artistique religieux s’abîmer sous prétexte qu’il appartient à l’État… comme si nous avions oublié qu’à la Renaissance, qu’à l’époque baroque, la beauté de Dieu se donnait à voir à travers l’art. Il est loin le temps où les mécènes ordonnaient aux artistes « Il faudra que de ton œuvre émane une émotion chrétienne si forte que la foi terrasse l’envie », comme il l’était commandé au Turquetto de la Renaissance, décrit par Metin Arditi.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
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- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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