Ils sont des centaines à ouvrir l'œil pour que les pèlerins puissent marcher le cœur léger. Les baliseurs bénévoles s'occupent minutieusement, portion par portion, des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Reportage dans les pas de ces protecteurs des sentiers dont la route croise parfois celle des marcheurs.
Sur la table de la salle à manger, les tasses de café qui fument côtoient des boites de clous, des tenailles et des stickers de coquilles Saint-Jacques. Jean et Bernard prennent des forces avant d'aller baliser toute la journée un tronçon du chemin de Saint-Jacques de Compostelle, au départ du village de Saint-Martin-en-Haut (Rhône). Il s'agit d'une bretelle qui permet de rejoindre l'axe Genève-Lyon-Le Puy et le célèbre départ en Haute-Loire.
Dernière vérification avant le départ. « Les coquilles qui se collent pour les pieds des panneaux de signalisation - les stickers - et puis les autres qui se clouent sur les arbres, les poteaux en bois » énumère Bernard. Il est responsable bénévole du balisage dans le Rhône pour l'association Compostelle en Rhône-Alpes, rôle qu'il a endossé après son départ à la retraite.
« La règle, c'est de partir en binôme pour être plus attentif. Y'en a toujours un qui voit ce que l'autre n'a pas vu. Et puis, pour des questions de sécurité aussi, pour ne pas se retrouver tout seul suite à une blessure, une entorse » précise Bernard. Les deux compères s'occupent de concert d'une portion de vingt kilomètres, qu'ils inspectent minutieusement plusieurs fois par an. « Soit on part poser une voiture au bout des vingt kilomètres, soit on fait que dix kilomètres et on revient » précise-t-il.
Une fois partie de la maison de Jean, les deux baliseurs ouvrent l'œil. « Les villages changent leur luminaires. Il faut passer assez régulièrement pour vérifier que le balisage soit toujours en place », commente Jean qui connait le chemin par cœur. Parfois, il faut sortir le sécateur, surtout au printemps, pour dompter la végétation qui se serait développée devant les balises.
Ce jour-là, aucun pèlerin ne croisera la route des deux baliseurs. La bretelle dont ils prennent soin est un chemin peu fréquenté, loin de l'effervescence des grandes étapes de départ.
Au Puy-en-Velay, Marie-Josée enfile ses chaussures de randonnée et ses vêtements de pluie. Cette lyonnaise de 72 ans part marcher quelques jours avec un couple d'amis. Un départ qu'elle attendait depuis de longtemps avec un enthousiasme inébranlable malgré un mois de mai annoncé pluvieux. « J'ai adhéré à l'association des amis de Saint-Jacques l'an dernier et j'ai rencontré des gens formidables qui régulièrement racontent leur parcours. Ca m'a donné fortement envie » explique-t-elle. « C'est un chemin que j'ai décidé de faire aussi pour mon mari qui est décédé il y a trois ans. Je le porterai avec moi » poursuit Marie-Josée avec émotion.
Dès le premier jour de marche, entre le Puy et Saint-Privat-d'Allier, des averses de pluie fouettent les visages des marcheurs. « Les pèlerins marchent silencieux sous leur cap de pluie. Malgré cette pluie, les oiseaux piaillent, l'herbe est grasse, l'odeur de la terre mouillée est agréable et je me sens bien », retrace Marie-Josée après une vingtaine de kilomètres foulés. Huit jours pluvieux plus tard, elle quitte le chemin, décidée à y retourner le plus vite possible. Sur son carnet de route, voilà ce qu'elle écrit : « j'ai vécu à l'état naturel, j'ai porté le même pantalon tous les jours [...], je me suis libérée de tout ce qui n'est qu'artifice. Je me suis aimée ainsi ».
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