On sait très peu de choses sur l’enfance de Jésus et seuls les évangélistes Matthieu et Luc nous rapportent quelques bribes d’histoire sur le sujet. En fait, il s’agit surtout de resituer la lignée de Jésus, présenté à Marie par l'ange comme "Fils du très haut" et à Joseph comme "l’Emmanuel", soit "Dieu avec nous". L'Évangile de ce dimanche raconte comment Joseph, justement, va devoir surmonter sa déception, sa tristesse, sa colère peut-être, voyant le ventre de sa fiancée s’arrondir avant même que le mariage ait été célébré. Explications d'Anne Soupa.
Évangile du dimanche 18 décembre (Mt 1, 18-24)
Voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret.
Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous ». Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse.
Source : AELF
Dans cet Évangiles, ont trouve une généalogie de Jésus. Ce texte est bien une relecture : il a été écrit une soixantaine d'années après la mort et la résurrection du Christ. Dans cette très longue généalogie, le verbe "engendrer" est utilisé 39 fois. Mais pour Joseph, il écrit : "Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ." Une forme passive - "fut engendré" - qui laisse entendre que la naissance de Jésus va au-delà d'un simple engendrement. Il y a là une "distorsion", "un pas de côté", qui pour Anne Soupa, "nous place à la fois dans une continuité et à distance de cette continuité".
Certes, Matthieu revient sur les ancêtres de Jésus mais il nous dit aussi que tout commence avec lui ! "C'est une sorte de Genèse", explique Anne Soupa. "Matthieu s'adresse à des lecteurs juifs, il leur donne toute la généalogie juive avant, mais d'une certaine manière, pour ceux qui ne sont pas juifs, il dit : vous pouvez prendre l'histoire en route... nous sommes là au début de tout."
Les femmes qui sont nommées dans cette généalogie "sont en situation irrégulière par rapport à la loi", observe la bibliste. Rahab, Ruth, Tamar et même Marie sont en décalage par rapport à la loi. Pour la bibliste, c'est une manière de dire aux lecteurs, "non pas qu'il y a plus important que la loi mais que la loi intègre des figures qui sont en décalage avec elle".
À cette époque la loi n'était pas la même pour les hommes et les femmes : si une femme ne pouvait pas répudier son mari, un mari pouvait répudier sa femme, dans trois cas : "Ou bien parce qu'il y avait quelque chose de honteux, ou bien parce qu'il y avait une parenté trop proche qui s'assimilait à un inceste ou bien parce que l'épouse avait été coupable d'adultère", rappelle Anne Soupa.
Or, il est dit de Joseph qu'il est un juste : "Juste, c'est un terme très important, précise la bibliste, c'est un homme à la fois droit dans sa moralité, dans son respect de la loi et dans son rapport spirituel avec Dieu, ça comporte tout ça, le terme de juste." Aussi, ce texte comporte-t-il un véritable "travail d'information sur la loi". Il y a les femmes qui sont en décalage avec elle, Joseph aussi puisqu'il décide d'accepter son épouse... "La question posée ici est celle de l'interprétation de la loi. Matthieu, qui s'adresse à des juifs, invite à regarder la loi de loin et surtout à en appliquer l'esprit."
Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.
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