Il est commun d'entendre dire que les religions sont misogynes. Les chrétiens ne sont pas épargnés par les critiques même si l’on a vu ces 50 dernières années des femmes devenir pasteures dans le protestantisme et même quelques-unes d’entre elles accéder au sacerdoce ou à l’épiscopat dans l'Église anglicane. Pourtant, quand on revient aux sources scripturaires du christianisme, les femmes ont la part belle. Elles suivent Jésus depuis le début de sa vie publique jusqu'à sa Résurrection et l'homme de Nazareth leur donne une vraie place, ce qui constituait à l’époque une petite révolution. Dans son livre "Jésus, l'homme qui préférait les femmes" (éd. Albin Michel, 2018), Christine Pedotti ouvre les Évangiles canoniques pour les lire avec ses lunettes de femme.
"Les évangélistes sont totalement indemnes de l'accusation de masculinisme." Les quatre évangélistes sont des hommes et pourtant les femmes occupent une très belle place dans les textes de Luc, Marc, Matthieu et Jean. Il n'y avait donc pas chez eux la volonté de marginaliser les femmes.
Pour Christine Pedotti cela a constitué "une première bonne surprise", lorsqu'elle a entamé ses travaux de recherche. Elle qui pensait "sans doute trouver" dans ces textes une "part sinon de misogynie, du moins de masculinisme ordinaire que portait la société qui produit ces écrits-là".
Dans le monde juif du temps de Jésus, on n'enseigne pas la Torah aux femmes. Frappées des règles d'impureté, elles n'accèdent pas non plus au sanctuaire... "Finalement les femmes sont là comme appartenant au douaire des hommes." Ainsi dans l'épisode de la multiplication des pains, peut-on lire : "Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille, sans compter les femmes et les enfants." (Mt 14, 21)
Dans la Bible, les femmes sont présentes mais très peu ont un nom ou un prénom - seules cinq ou six en portent. Elles sont souvent désignées par leurs origines ou une caractéristique physique comme la femme courbée (Lc 13), la femme de Samarie (Jn 4), la femme hémorroïsse (Lc, 8) ou la Cananéenne (Mt, 15). "Ce qui est sans doute la trace d'un monde dans lequel les femmes appartiennent à la domesticité, ne sont pas très présentes dans l'espace public et n'ont pas d'existence propre en tant que personnes."
Depuis des siècles, la lecture des Évangiles a "principalement sinon exclusivement" été faite "par des hommes". Ce qui explique, selon Christine Pedotti, que, "assez naturellement, les hommes n'ont pas vu les femmes, elles ont été assez transparentes à leur lecture". Ainsi a-t-on souvent proposé une lecture "allégorique" de l'épisode de Marthe et Marie, dans l'Évangile de Luc. Un épisode où Marthe, qui s'affaire à la cuisine, reproche à sa sœur Marie de ne pas l'aider aux tâches domestiques. Jésus lui répond cette phrase restée célèbre : "Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée." (Lc 10, 42) Bien souvent on a fait de Marthe l'allégorie de la part active, apostolique, et Marie l'allégorie de la contemplation.
Et si on comprenait ceci : que Jésus nous dit que la place des femmes n'est pas nécessairement à la cuisine ? Une lecture qui serait "révolutionnaire" à une époque où les femmes n'étudiaient pas la Torah et n'étaient donc pas des disciples. "Mais cette lecture-là nous ne la faisons pas", regrette Christine Pedotti. Non pas par malveillance mais par aveuglement, selon elle. Les femmes font trop souvent partie du "décor" dans les interprétations des Évangiles. "Or il se passe des choses décisives entre Jésus et les femmes. La plus grande conversation théologique que Jésus a dans l'Évangile c'est avec une femme, la Samaritaine."
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