Après ces sept paroles, les dernières de Jésus avant de mourir, tout a été dit. Ce sont sept courtes phrases, tirées des quatre évangiles, que la tradition chrétienne donne à méditer le Vendredi saint. Ce sont des paroles de vie, de véritables "pépites spirituelles" qui accompagnement les chrétiens tout au long de leur chemin de foi. Ces sept interventions du Christ en Croix sont commentées par le Père Sébastien Antoni, prêtre de la congrégation des Augustins de l'Assomption.
Parce qu'elles sont dites dans un moment tragique, les sept dernières phrases du Christ prennent une certaine valeur. Ces paroles, on les trouve surtout dans les évangiles de Luc, Marc et Jean, mais c'est au Moyen Âge qu'on a pris l'habitude de les collecter pour en faire une histoire cohérente.
"C'est relativement tardif dans l'histoire de l'Église puisque ça date du XIIe siècle", observe le P. Antoni. Et on doit la dévotion liée à ces sept paroles au franciscain saint Bonaventure, qui y voyait un antidote aux sept péchés capitaux. Et s'il y en a sept, ce n'est évidemment pas un hasard. Comme le rappelle le P. Antoni, sept c'est "le chiffre de la plénitude" : il donne l'idée d'un tout, de quelque chose de complet. Après cela, tout a été dit.
"Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font" (Lc 23,34). Comment comprendre que Jésus, alors qu'il est en train de mourir de manière atroce, demande pour ses bourreaux le pardon de Dieu ? "C'est là tout le scandale de l'Évangile", admet le P. Antoni, "comme pour nous dire qu'avant que le mal soit commis, il y a le pardon : le pardon est toujours premier." Parce que "Dieu ne sait rien faire d'autre que pardonner, mais pardonner pour Dieu c'est créer à partir de quelque de mauvais, quelque chose de meilleur".
"En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis" (Lc 23,43). Cette parole, Jésus l'adresse à l'un des deux bandits crucifiés à côté de lui. En réponse celui qui disait : "Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume" (Lc 23, 42). "C'est bouleversant car décidément Dieu ne regarde pas le temps comme nous, explique le P. Antoni, il y a comme une manière de nous dire que Dieu ne peut parler qu'au présent à partir des élans d'amour aussi petits soient-ils." Plus question ici de "gagner son paradis" à la force du poignet, "le paradis c'est un don qui se reçoit à celui qui veut bien l'accueillir même un malfaiteur".
Jésus s'adresse à Marie sa mère - "Femme, voici ton fils" - puis à l'apôtre Jean - "Voici ta mère" (Jn 19, 26-27). Jean nous ici parle d'une nouvelle communauté que Jésus est en train de fonder, explique le P. Antoni. Avec Marie, dont on dit aussi qu'elle est la mère des croyants, celle qui croit malgré tout, "l'Église naît à cet endroit-là". En quelque sorte, nous sommes tous confiés les uns aux autres. "Nous n'avons plus le droit, si nous nous disons chrétiens, d'exclure qui que ce soit, qu'il soit blanc, noir, homosexuel, etc. S'il y a le moindre rejet, nous trahissons la demande de Jésus lui-même dans le moment le plus crucial de sa vie."
"Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?" (Mc 15,34) Jusqu'à présent, les paroles du Christ évoquaient le pardon, la félicité dans l'au-delà ou la naissance d'une communauté. Ici, avec cette phrase particulièrement poignante qui dit la perte de sens et la désolation, Jésus reprend les mots du Psaume 22 : "Quand on touche dans nos vies la tristesse absolue, l'effondrement du sens, il faut laisser monter en soi ce cri." Chacun, dans la souffrance, est incité à s'emparer de ce cri et à l'adresser à Dieu.
"J’ai soif" (Jn 19,28) : une phrase qui peut surprendre ! Ce sont les mêmes mots que Jésus adresse à la Samaritaine, au début de l'Évangile de Jean : "Donne-moi à boire." (Jn 4, 7). Pour le Père Sébastien Antoni, "c'est exactement la même demande", même si prononcée dans des contextes radicalement différents. "C'est ainsi que Dieu se présente à nous : quelqu'un qui a soif, qui demande quelque chose qu'on peut lui donner." Cette soif, on comprend bien que ce n'est pas que d'eau, mais une soif de relation. "Dieu a besoin de quelque chose de nous, qu'on lui donne et qu'il ne peut pas nous prendre."
"Tout est accompli" (Jn 19,30), cela veut dire que "la volonté de Dieu de se révéler dans son identité la plus profonde" a été remplie jusqu'au bout. À chacun désormais de répondre à l'amour de Dieu. Mais "ce serait un contresens monstrueux de penser que Dieu a envoyé son fils pour qu'il meure", précise le P. Antoni. "En revanche, dire cet amour, même si ça doit coûter la vie, il ne dérogera pas à cette promesse."
"Père, entre tes mains je remets mon esprit" (Lc 23,46). La toute dernière parole du Christ est comme une conclusion. On est tenté de se demander : au fond pourquoi tout ça ? Pourquoi donc Jésus a-t-il été crucifié ? "Allons-nous enfin comprendre que Dieu ne menace personne ?" Comme le dit le P. Antoni, "vouloir se mettre à sa suite c'est accepter de se convertir de nos schémas, de nos images, de nos idoles, de nos projections que l'on peut avoir sur Dieu" : "Dieu nous échappe encore et encore car il n'est pas nous, justement."
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