Pendant la Semaine sainte, lors du Vendredi saint, les chrétiens entendent le récit de la Passion du Christ. Ils commémorent ses souffrances et sa mort sur la croix. Pour le philosophe Emmanuel Falque, nul doute que le Christ a affronté la fin de vie, et que nous allons l'affronter comme lui. Jésus nous enseigne toutefois une manière sainte, ou filiale de mourir.
L’expression renvoie à tous les événements que Jésus a vécu avant sa mort. Pour le philosophe et théologien Emmanuel Falque, le mot « Passion » prend ici un double sens. Il y a d’une part l’idée de traverser des épreuves, de subir, de pâtir. Et aussi la notion de désir. "La Passion c’est aussi le désir", souligne-t-il, on oublie ce que le Christ a dit le Jeudi saint : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! » (Lc 22, 15)."
Les récits de la Passion, contenus dans les Évangiles, reviennent chaque année. Et chaque année, les chrétiens sont amenés à les réentendre lors de la Semaine sainte. Les textes pascals sont au cœur de ce que l'on appelle le kérygme, c'est-à-dire le noyau de la première prédication des apôtres : à savoir que Jésus est fils de Dieu et sauveur du monde.
Mais une fois que l’on connaît le sens du mot "Passion" ou du mot "Résurrection", reste à comprendre ce que fut l'expérience concrète de Jésus. On dit qu’il a souffert, qu’il est mort et qu’il a donné sa vie au monde. Qu’est-ce que ça signifie pour chacun d’entre nous ? En quoi l’expérience de cet homme peut-elle parler à nos contemporains ?
Pour Emmanuel Falque, on ne peut accéder à cette « Bonne nouvelle » de la mort et de la Résurrection du Christ, sans ce qu’il appelle "un expérientiel". "Ma conviction – qui était d’ailleurs la conviction des Pères de l’Église - c’est qu’on ne peut pas parler de ces termes-là indépendamment d’une expérience. Si l’on veut parler de Gethsémani, il faut savoir ce qu’est la Passion, le pâtir et le désir." Car selon lui, pour chacune de ces "expériences théologiques" il y a "une expérience humaine, philosophique, mais transformée par le Christ".
"Le Christ a affronté la fin de vie, il l’a affrontée comme nous et nous allons l’affronter comme lui", nous dit Emmanuel Falque. Pour le philosophe, auteur de "Triduum philosophique" (éd. Cerf, 2015), nul doute que "Jésus a vraiment eu peur de la mort", comme nous tous. "Je crois que le Christ a eu peur de la mort, et cette peur ne vient pas du péché mais du fait qu’il est homme." En tous les cas, textes nous le disent, face à cette mort, Jésus n’est pas viril, il n’y a pas d’héroïsme dans les textes de la Passion.
Et cependant, le Christ nous enseigne au sujet de la mort. "Ce qui fait le propre de la mort du Christ c’est de mourir avec un autre, ou plutôt de s’adresser à un autre. Jamais il ne cesse d’être ouvert sur un autre, et cet autre c’est son père." Quand il dit : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?" (Mc 15, 34) ou encore : "Père, entre tes mains je remets mon esprit" (Lc 23, 46)… "Même s’il n’a pas de réponse, il s’adresse à Dieu", remarque Emmanuel Falque.
Ainsi le Christ témoigne d'une "manière sainte, ou filiale, de mourir". Il ne s'agit pas d'être "purifié par les souffrances", comme on a pu le croire. Mais "d’accepter de donner à un autre ce que l’on vit sans aucune certitude du résultat, y compris pour le Christ qui a eu foi en sa résurrection".
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