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Noël : sortir de l'agitation et des bavardages...

Un article rédigé par STEPHANE DEBUSSCHERE - RCF Isère, le 20 décembre 2024 - Modifié le 20 décembre 2024
Emissions Spéciales de RCF IsèreNoël : sortir de l'agitation et des bavardages...

A Noël, la venue de Jésus, l'Emmanuel, Dieu avec nous, est une invitation à accueillir le sauveur. Ce salut est très concrêt, pour chacun, dès aujourd'hui. Accueillir l'enfant de la crèche, c'est donner de la place dans nos vies à la sobriété en refusant l'idéologie de la croissance ou de la consommation. L'enfant de Noël, nous invite aussi à sortir de l'agitation et des bavardages en prenant le temps de l'écoute...
Jean-marc Eychenne est évêque du diocèse de Grenoble-Vienne.

Jean-Marc EychenneJean-Marc Eychenne

Ce qu'il faut retenir :

  • sobriété
  • écoute

Jean-Marc Echeynne, vous êtes évêque du diocèse de Grenoble-Vienne, que souhaitez-vous mettre en avant cette année dans un message pour Noël ?

Ce qui nous déplace, entre autres choses, c'est la réalité, la rencontre avec les gens, mais c'est aussi la parole de Dieu, et par son intermédiaire, la rencontre avec le Seigneur. Alors, je pensais au fait même, en lisant les récits de la nativité, on pourrait s'attendre à ce que celui qu'on invoque comme Emmanuel, Emmanuel vient nous sauver, mais il nous sauve de quoi et de quelle manière ? A Noël, on ne va pas accueillir un héros de l'univers de Marvel par exemple, mais un simple enfant dans un lieu très modeste avec une famille en quelque sorte ordinaire, assez pauvre.
Donc, je me disais, mais de quoi nous sauve-t-il ? Qu'est-ce qui nous aide à comprendre comme étant essentiel que peut-être on oublie habituellement ? Donc, j'ai quelques pistes comme ça que je peux vous développer si vous le souhaitez.

Alors, de quoi avons-nous besoin d'être sauvés aujourd'hui ? On pense à Mayotte, à l'Ukraine, ou encore à Gaza, tous ces lieux où le salut semble tellement, tellement loin. Est-ce qu'une parole d'espérance peut nourrir notre foi aujourd'hui de façon renouvelée quand on célèbre Noël avec ce background dramatique ?

C'est vrai qu'on pourrait se dire, il est venu nous sauver, mais c'est encore à faire quand on voit les drames qui marquent notre histoire et notre actualité contemporaine. Mais en même temps, en regardant de près, il nous invite aussi à prendre d'autres chemins. C'est vrai qu'il vient comme un petit enfant et par définition impuissant, et nous, nous croyons que le salut est dans le pouvoir et la puissance. Lui, le prince de la paix nous apprend que peut-être ce n'est pas avec des armes qu'on fait la paix, le pape nous le répète souvent.
Est-ce que ce dicton "si tu veux la paix, prépare la guerre" est vraiment juste ? Est-ce que dans notre monde, quand on voit l'argent qui va en augmentation, ce que l'on dépense pour s'armer, on se dit que cet argent serait mieux utilisé pour loger des gens dignement. Donc finalement, le salut n'est pas dans le pouvoir et dans la puissance, il vient d'un Dieu qui vient désarmer, et quoi de plus désarmé qu'un simple enfant.
C'est assez désarmant d'ailleurs, en voulant jouer sur les mots, de le voir ainsi. Un enfant qui est à la merci de tous les pouvoirs et tous les potentats, si c'est désarmant pour nous, c'est peut-être une piste possible. Et cet enfant, il vient en choisissant de naître pauvre, de nous sauver en choisissant de naître pauvre. Il peut donc nous sauver de la fascination, de la production, de l'accumulation des biens, de la consommation des mêmes biens.
Il vient nous sauver aussi de l'idéologie de la croissance, parce qu'aujourd'hui on sait mieux que cette idéologie-là crée de profondes inégalités. Les hommes les plus riches du monde, je ne vais pas citer des noms en particulier pour ne pas pointer quelqu'un du doigt, mais leur richesse cumulée, elle se chiffre en milliards et il y a des gens qui n'ont pas de quoi se loger ou simplement se soigner ou faire face à une épidémie. Jésus nous sauve de l'idéologie de la croissance en nous indiquant les chemins d'une vie sobre.

Les grands incidents climatiques, on sait aussi qu'ils ont leur origine aujourd'hui dans un déséquilibre engendré par la surproduction et le non-respect de la nature par les humains. En dernière analyse, il se passe ce qui se passe à Mayotte : il y a des gens qui perdent la vie parce que d'autres ont été dans cette idéologie de la croissance. Donc je pense que Jésus, en naissant pauvre, vient nous sauver de cette idéologie de la croissance.

Autre point, un enfant par définition est un inactif. Cet enfant de la crèche vient nous sauver aussi de l'hyperactivité, de l'agitation, pour nous faire retrouver un rythme lent, un rythme humain, le pas lent du marcheur, du priant, du poète, du randonneur. Il nous permet de sortir de cette agitation qui est au fond souvent un peu stérile.
Çela rejoint ce que dit Paul dans la seconde lettre aux Thessaloniciens. Il reproche à une partie de ceux auxquels il s'adresse, d'être affairés sans rien faire. En fait on s'agite beaucoup, on a le sentiment de faire beaucoup de choses, mais des choses au fond qui peuvent être tout à fait inutiles.
Nous sommes invités à prendre le temps de nous arrêter. On est dans notre diocèse, dans une année de l'écoute. Pour écouter, pour discerner, il faut se poser un peu, arrêter de s'agiter. Cet enfant de la crèche vient nous sauver de l'hyperactivité parce que lui par définition inactif.

On a peut-être aussi besoin d'être sauvés de nos bavardages. Cet enfant silencieux, ne sait pas encore parler, il a ses yeux qui roulent comme des billes.
Il est certainement dans l'empathie. Il a une manière d'être attentif aux émotions qui l'entourent, en particulier l'amour de son père, de sa mère, même des animaux pourrait-on dire. L'âne et le bœuf qui soufflent dessus pour le réchauffer dans la crèche, nous dit la tradition. L'enfant Jésus nous sauve des bavardages parfois incessants et inutiles, de la profusion des paroles, pour faire de nous des écoutants.
C'est vrai qu'on vit dans un monde qui connaît un grand déficit d'écoute. Il y a tellement de gens qui ont le sentiment de n'être écoutés par personne, parce que parfois ils sont dans des ruptures de liens personnels, familiaux, ils sont dans la marginalité sociale. Apprendre avec cet enfant silencieux à donner la priorité à l'écoute dans nos chemins de vie, mais en même temps tenter des paroles, seulement après de longs silences, après avoir pris le temps de la méditation, pour que ces paroles soient des paroles utiles, chargées.

Cet enfant est né à Bethléem, qui veut dire la maison du pain? C'est une allusion à l'eucharistie qui est finalement la représentation de l'offrande que le Christ fait de lui-même à son Père dans l'esprit. Cet enfant est déjà offert, il nous sauve d'être dans des chemins où notre ego est au centre et où on cherche à prendre. Il nous ouvre, il nous libère de l'esclavage de l'ego en quelque sorte.

Emmanuel Lévinas écrit « La civilisation commence quand tu donnes la priorité à l'autre sur toi-même ». Le Christ, Jésus, cet enfant, vient nous sauver de cela, de la priorité que nous donnons souvent à nous-même pour nous orienter le plus possible sur une priorité à l'attention aux autres.
Il nous arrive dans la célébration du mariage de prêcher aussi dans cette ligne-là, finalement se décentrer de soi pour être centré sur le bonheur de l'autre. Et l'autre nous le renvoie s'il est dans la même démarche. Finalement on confie à l'autre le soin de nous-mêmes, on accepte de cesser de penser à soi.
L'Emmanuel, Dieu avec nous, vient nous sauver de tout cela, de toutes les fausses valeurs que nous propose parfois notre monde pour nous ramener vers l'essentiel.

Donc Noël, c'est une invitation à la relecture, à se remettre en question et peut-être revoir ce qui compte vraiment. On pourrait résumer comme ça ?

Oui, c'est un bon résumé. Qu'est-ce qui compte vraiment ? Dans des moments comme ça, de manière plus ou moins consciente, qu'on soit croyant ou pas, on perçoit qu'il y a des choses essentielles et on se dit mais finalement, où sont les réalités les plus importantes de l'existence ?
Et on s'aperçoit que face à cet enfant, dans la nuit, dans le silence, dans la pauvreté, que souvent on se trompe si on se laisse emmener par la logique dominante.

Jean-Marc Eychenne, vous êtes l'évêque du diocèse de Grenoble Vienne, on vous souhaite à vous ainsi qu'à tous nos auditeurs, un très joyeux Noël. 

Je souhaite aussi à tous vos auditeurs un très joyeux Noël. Que le Seigneur vraiment les illumine.

Emission spéciale
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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