
C’est le titre de la conférence du Frère dominicain Franck Dubois qui aura lieu le 3 avril prochain à 20 h 30 à l’ICP - Campus de Rouen. RCF a pu, en avant-première, lui poser quelques questions.
Tout d'abord, pouvez-vous vous présenter ?
"Je suis Dominicain, maître des Novices de la Province de France à Lille, et théologien. J'ai fait il y a quelques années une thèse sur la matière et qui s’appuie sur l’étude d’un auteur du IVe siècle : Grégoire de Nysse."
Comment en êtes-vous arrivé à vous questionner sur la présence des animaux au paradis ? Diriez-vous que vous avez un lien privilégié avec les animaux ?
"Non je ne dirais pas cela. C’est plutôt mon travail de thèse qui m’a conduit tout naturellement à inclure les animaux, et le vivant plus largement, à ce questionnement théologique : "Comment Dieu, immatériel, peut-il créer un monde matériel ? Et comment ce monde matériel, qui inclue notre corporéité, pourra-t-il rejoindre Dieu dans la Résurrection ?" Finalement, penser les animaux dans ce mouvement c’est penser notre relation au cosmos au sens large !"
Dans nos sociétés modernes occidentales, la question de la place grandissante des animaux domestiques peut poser question. Qu’en pensez-vous ?
"C'est vrai. En fait, penser une participation des animaux à la Résurrection, c’est toujours penser un ordonnancement, une hiérarchie. C’est l’Homme qui ressuscite, car seul l’Homme est créé à l'image de Dieu. Cependant, les animaux sont ordonnés à ce mouvement. Et cet ordre, il demeure dans l’au-delà ! Chacun à sa place ! Et on peut d’ailleurs élargir à la nature toute entière, à l’environnement.."
Dans la Bible, le serpent nous dit d'abord
que la nature est ambivalente
Dans le livre de la Genèse, le serpent est celui qui conduit à la chute. Mais dans le livre des Nombres, il est aussi celui qui sauve, lorsque Dieu demande à Moïse d’élever un serpent de bronze pour que le peuple, mordu par des serpents, soit sauvé. Comment comprendre cela ?
"Ce serpent nous dit d'abord que la nature est ambivalente. Seul l’Homme a conscience de poser un acte libre. Les animaux, eux, ne sont pas dotés de sens moral, donc sont ambivalents par nature. Dans l’interprétation de ces versets, on a vu une manifestation du diable. C’est un serpent qui a causé le moral, donc c‘est lui qui va permettre la guérison. Mais c’est bien-sûr une préfiguration du Christ en Croix qui prend le péché d’Adam pour s’en charger et nous sauver."
On est loin d'avoir découvert toutes les capacités cognitives de certaines espèces
Dans l’Évangile, Jésus nous invite à ressembler aux oiseaux du ciel, au lys des champs, pour nous inviter à la confiance, à vivre de la Providence. Avouons que c’est plus simple pour les animaux que pour nous, puisqu’on l’a dit : les animaux n’ont pas de libre arbitre…
"Oui, même si les spécialistes vous diront qu’on est loin d'avoir découvert toutes les capacités cognitives de certaines espèces. Mais ce qui est sûr, c’est que l’Homme, même le plus faible jouit d’une dignité plus grande, parce qu’il a été créé à l’image de Dieu. Mais encore une fois, l’Homme a été créé dans un environnement naturel, peuplé d’animaux et de végétaux qui lui est ordonné. Charge à lui d’en prendre soin et de le préparer à un avenir glorieux ! Dans la lettre de Saint-Paul aux Romains, nous lisons au chapitre 8 : 'Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons'. Dieu a fait alliance avec l’Homme mais aussi avec la création tout entière ! Ce lien fort que Dieu a institué avec la création va demeurer, on peut le penser, après la mort."
Est-ce à dire que le paradis sera environné des paysages familiers, des animaux que nous avons aimés ?
"Sans doute, à travers ces liens que nous aurons tissés avec eux tout au long de notre vie. Car ce sont ces liens qui nous façonnent, qui nous constituent et font de nous la personne unique que nous sommes. Des liens avec les Hommes en premier, mais aussi avec l’environnement qui a été le nôtre. C'est le 'tout est lié' du pape François dans Laudato si' ! De même, dans le catéchisme de l’Église catholique, on lit à l'article 1 042 : 'À la fin des temps, les justes ressusciteront et l’univers lui-même sera renouvelé'. Et au 1 046 : 'Quant au cosmos, la révélation affirme la profonde communauté de destin du monde matériel et de l’homme'. Alors oui, on peut laisser la porte ouverte à la participation des animaux à la vie glorifiée en Dieu, peut-être... Mais en fait, dans cette question, le plus important pour nous aujourd'hui est surtout cet appel à notre responsabilité vis-à-vis de la création, qu'il faut entendre ! On ne peut plus avoir un rapport seulement utilitaire avec la nature."
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