La nullité du mariage est une procédure complexe, souvent méconnue, qui annule rétroactivement l’union sacrée. Mais comment se déroule-t-elle ? Que fait l’Église en déclarant un mariage invalide ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Pauline de Torsiac et Melchior Gormand.
La nullité du mariage religieux est une procédure délicate visant à déclarer qu’une union, bien que célébrée, n’a jamais existé aux yeux de l’Église. Contrairement au divorce, qui met fin à un mariage existant, la nullité annule le sacrement, comme s’il n’avait pas été validé par l’Église. Aujourd’hui, celle-ci peut reconnaître l’invalidité d’un mariage religieux, il faut pour cela engager une procédure canonique. Chaque année, ce sont entre 600 et 700 couples qui voient leur demande aboutir, mais quelles sont les conditions pour engager cette procédure ?
“On n’annule pas un mariage”. Sophie Chetaille, avocate ecclésiastique pour l'officialité du diocèse de Lyon, explique que cette démarche est en réalité plus complexe qu’il n’y paraît : "La nullité d’un mariage, c’est reconnaître après coup que certaines conditions du mariage n’étaient pas remplies au moment de la cérémonie, par exemple que le mariage n’a pas été célébré devant un curé et deux témoins, qu’il y a eu un empêchement, comme par exemple la consanguinité, ou alors qu'il y a eu un vice du consentement".
Il y a aussi des critères sans quoi le mariage n’a pas vraiment de sens, ajoute Bénédicte Lucereau, conseillère conjugale et thérapeute de couples : "Pour qu’un mariage religieux soit valide, il faut que les deux parties aient fait un échange de consentement libre et éclairé, en somme que les conjoints soient consentants et au courant que cette cérémonie les lie jusqu’à la mort". La majorité des demandes de reconnaissance de nullité d’un mariage religieux concerne cette promesse que ce sont faites les mariés lors de la cérémonie : "si cette promesse n’était en faite qu’un mensonge, alors aucune des deux parties n’est réellement engagée dans cette relation", souligne Bénédicte Lucereau.
Il faut que l’union remplisse les conditions juridiques d’un mariage civil, sans quoi la cérémonie sera invalidée.
"Annuler son mariage, c’est se désister quelques mois avant par peur ou questionnement sur sa vie future", précise Grégoire, 31 ans, qui a obtenu la nullité de son mariage en décembre 2023 : "Un mariage ne s'annule pas après coup". Tout comme l’annulation, l’invalidité d’un mariage survient avant même la cérémonie : "Il faut que l’union remplisse les conditions juridiques d’un mariage civil, sans quoi la cérémonie sera invalidée", ajoute Bénédicte Lucereau. Contrairement aux précédentes occurrences, la nullité d’un mariage est reconnue après la cérémonie, après une demande de la part de l’un ou des deux mariés, explique Sophie Chetaille : "C’est une procédure canonique, longue d’une année en générale, qui vise à conclure si oui ou non un mariage est reconnu nul par l’Église".
Reconnaître la nullité d’un mariage implique un travail d’introspection de la part des conjoints et est une tâche complexe qui peut s’étendre sur plus d’un an. De nombreuses personnes sont interpellées lors de cette démarche pour prouver que ce mariage était invalide : "D’abord, pour initier cette démarche il faut un demandeurs qui réclame la nullité de son mariage, le ou la conjointe dudit demandeur interpellé par l’officialité diocésaine, et un avocat ecclésiastique. Puis viennent les témoins, désignés par les partis, qui viennent donner leur opinion et éclairer certains points d’ombre", explique Sophie Chetaille. Grégoire témoigne et explique comment s’est déroulée cette démarche de son côté : “Entamer cette démarche, c’est avant tout une mise à nu. On explique toute sa vie à l’avocat ecclésiastique, qui malgré ce statut ne défend aucun des partis, mais traite factuellement des faits évoqués pour trouver les raisons derrière l’invalidité du mariage”.
Pendant la démarche, le sentiment qui me dominait était celui de la solitude.
Véritable chemin de croix, cette procédure peut s’avérer compliquée sur le plan émotionnelle : "C’est un chemin de souffrance de relire sa vie et certains évènements qui nous ont marqué", explique l’avocate ecclésiastique du diocèse de Lyon. Une procédure qui a marqué Grégoire : "Pendant la démarche, le sentiment qui dominait était celui de la solitude : mes amis commençaient à se marier les uns après les autres et moi je divorçais", témoigne le trentenaire. Après que son mariage ait été reconnu invalide par l’Église, Grégoire s'interroge sur la fécondité de cette épreuve. Il aimerait rendre cette démarche plus simple et n'exclut pas d'accompagner les personnes qui engagent cette démarche.
Bien que les principaux intéressés soient les adultes, l’invalidation d’un mariage par l’Église peut impacter les enfants, fruits de l’union des parents. Élisabeth, fidèle auditrice de RCF, témoigne : “Je me suis souvent demandé dans mon enfance quelle place j’avais alors que j’étais le fruit d’un union qui n’était pas valide aux yeux de l’Église”. Bénédicte Lucereau souligne que les enfants ne devraient pas avoir de soucis à se faire : “Bien qu’il soit compliqué pour les officialités de le reconnaître, les enfants sont le fruit de l’amour des parents qui a existé fut un temps, mais l’invalidité du sacrement du mariage a fait qu’il ne les liait pas pour l’éternité”.
Comme ils n'étaient en théorie pas présents lors de la cérémonie, les enfants ne sont pas entendus lors de cette démarche.
Malgré tout, les enfants de parents dont le mariage religieux a été invalidé ne sont pas accompagnés, explique Sophie Chetaille : "Comme ils n'étaient en théorie pas présents lors de la cérémonie, les enfants ne sont pas entendus lors de cette démarche. Mais ils ont réellement besoin d’un accompagnement”. Bénédicte Lucereau rebondit sur ces propos : “Les enfants auront tendance à se poser trop de questions, notamment sur leur place au sein de leur famille divisée. Il faut leur expliquer que ce mariage n’est pas effacé, mais plutôt qu’il n'engageait pas les parents à s’aimer pour l’éternité”.
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