Yves Congar fait partie de ces théologiens du XXe siècle qui auront grandement contribué à faire évoluer l'Église et sa pensée vers plus d'ouverture, d'humilité, de confiance dans les hommes et dans le monde. Mais il fait aussi partie de ceux qui ont payé cher leur travail audacieux et dérangeant. Des années de suspicion, de mise à l'écart, d'interdiction d'enseignement. Puis, à la faveur du concile Vatican II, le dominicain et son précieux travail ont fini par être reconnus et avoir une véritable influence dans l'Église. L'historien Étienne Fouilloux, spécialiste de l'histoire intellectuelle et spirituelle des christianismes du XXe siècle, lui consacre une biographie, sobrement intitulée "Yves Congar - 1904-1995" (éd. Salvator).
Étienne Fouilloux a "assez bien connu" Yves Congar, notamment lorsqu'il travaillait à sa thèse sur l'œcuménisme. Pour lui, "c'est un monument de la théologie du XXe siècle". "Il est considéré à juste titre comme l'un des plus grands théologiens catholiques du siècle."
Yves Congar était un passionné d'histoire : ce qui est un élément très important dans sa théologie. "Il avait la vive conscience que le christianisme est une religion historique, qu'on ne peut pas faire de théologie de manière abstraite, purement spéculative, que cette théologie se fait dans un contexte, et que ce contexte a besoin de connaître le passé de l'histoire de l'Église et son actualité." Le théologien a d'ailleurs joué "un rôle majeur dans la rédaction des textes de Vatican II", et, de cette façon, "il a influé" sur "l'évolution de l'Église catholique dans la phase conciliaire".
La vocation d'Yves Congar est née dans le Sedan de l'année 1918, auprès de l'abbé Lallement - un prêtre "d'un thomisme assez rigide et d'une piété doloriste et dévotionnelle", qui l'a influencé "au début" et dont "il aura beaucoup de mal à se dégager". Après son service militaire et ses années de philosophie, il est entré en 1925 chez les dominicains de la Province de France. "Ses années de philosophie [de 1921 à 1924] sont des années très classiques dans un thomisme assez rigide qui est celui de l'Institut catholique de Paris, pas du tout ouvert sur l'histoire et sur les philosophies contemporaines."
Le thomisme, c'est-à-dire la pensée de saint Thomas d'Aquin (1275-1274), a été "imposée par Léon XII en 1879 comme la philosophie recommandée par l'Église catholique". Elle a été "enseignée dans tous les séminaires et dans toutes les maisons religieuses, avec plus ou moins d'ouverture", précise l'historien. Au Saulchoir, où il a étudié de 1926 à 1931, Yves Congar a découvert "un thomisme historique", où "on ne considère pas cette pensée comme tombant du ciel" mais restituée dans un contexte - ce qui est "une orientation décisive dans son itinéraire". C'est au Saulchoir également qu'il se lie d'une amitié "très forte" avec le Père Marie-Dominique Chenu et le Père Henri-Marie Féret. "Ce trio-là, Congar-Chenu-Féret, est quelque chose de fondamental dans sa biographie."
"Son but c'était de donner une nouvelle définition de l'Église." Ordonné prêtre en 1930, Yves Congar a ensuite enseigné l'ecclésiologie. Par sa pensée et son enseignement, il comptait "influer un peu sur l'évolution" de l'Église, "en la définissant moins par ses caractères structurels hiérarchiques, d'organisation, d'institution", mais "en y ajoutant des aspects plus mystiques - corps mystique du Christ, Peuple de Dieu", des aspects "plus soucieux de la vie de cette Église". Le dominicain désirait une Église "plus accueillante aux autres, moins sur la défensive, alors qu'elle se définissait souvent depuis des siècles contre les protestants, contre les libéraux, contre les modernistes..."
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