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La vie cachée de Noëlla, centenaire de Noël
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La vie cachée de Noëlla, centenaire de Noël

RCF,  -  Modifié le 24 décembre 2019
​Ce matin, je vais vous parler d’une femme. Elle est née un jour de Noël, et ses parents l‘ont, assez logiquement, appelée Noëlla.

Si je vous en parle c’est qu’à Noël prochain, Noëlla aura 100 ans. Noëlla est née à Saumur, un 25 décembre 1919, donc. Profondément catholique, elle s’engage dans la Résistance. En 1943, à 23 ans, elle est arrêtée, dénoncée par un collaborateur, Jacques Vasseur, français engagé dans la Gestapo, qui infiltre les réseaux de résistance de l’Ouest, et qui sera célèbre pour les tortures qu’il infligeait aux prisonniers.

Noëlla est confrontée à son fiancé, défiguré, qui mourra quelques jours plus tard. Noëlla, elle, sera déportée à Ravensbrück, où elle se lie d’amitié avec une autre résistante, Geneviève de Gaulle.

Mais si je vous parle de Noëlla, ce n’est pas pour vous raconter cette résistance-là, mais une autre résistance, qu’elle a accomplie au nom de sa foi : Jacques Vasseur s’enfuit en 1945, et est arrêté en 1962. Son procès a lieu en 1965. À ce moment-là, Noëlla Rouget, écrit au président du tribunal pour demander la grâce de Vasseur, dont la condamnation à mort ne fait aucun doute. Sa lettre est magnifique : « les horreurs vécues sous le régime concentrationnaire m’ont sensibilisé à jamais à tout ce qui peut porter atteinte à l’intégrité tant physique que morale de l’homme, et j’ai rejoint les rangs de ceux qui pensent que, s’il faut combattre l’erreur, nous n’en avons pas, pour autant, le droit de disposer de la vie de celui qui a erré, qu’il faut lutter contre la maladie et non tuer le malade, en un mot, de ceux qui font campagne pour l’abolition de la peine de mort ».

Quand elle écrit cette lettre, Noëlla se fait des inimitiés chez d’anciens résistants, qui ne comprennent pas son attitude. La peine de mort est prononcée. Noëlla ne se décourage pas et écrit alors au général de Gaulle. Elle lui demande la grâce de Vasseur, parce que, dit-elle, « je crois en Dieu en qui je reconnais le seul maître absolu de la vie et de la mort » et aussi, « parce que je crois en mon pays, à son esprit humanitaire qui l’amènera bientôt, j’espère, par une réforme législative, à abolir la peine de mort ».

De Gaulle gracie Jacques Vasseur. Noëlla se positionnait comme chrétienne et citoyenne. Nous sommes alors en 1966. Il faudra attendre 1981 pour que la France renonce à la peine de mort. Et pour l’Église catholique, c’est le 2 août 2018, que le pape François fait approuver une modification du Catéchisme qui désormais qualifie d’« inadmissible » la peine de mort, car, dit-il, elle blesse la dignité personnelle. « Dignité personnelle » Ce sont presque, mot pour mot, les termes utilisés dans sa lettre par Noëlla, une femme catholique en avance sur son pays et sur son Église. Cette femme qui aura 100 ans au matin de Noël, a su agir en cohérence, comme chrétienne et comme Française.

 Elle fait partie de ces « vies cachées », pour reprendre l’expression de la romancière George Eliot, citée par Terence Malik à la fin de son film du même nom, et qui raconte l’histoire d’un résistant autrichien. Ces vies cachées grâce à l’action desquelles « les choses ne vont pas aussi mal, pour chacun de nous, qu’elles eussent pu aller », dit avec justesse Georges Eliot. Ces vies cachées qu’il faut, parfois, savoir remercier. Joyeux Noël à Noëlla, bon anniversaire et un immense merci, et joyeux Noël à vous tous

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