30 septembre 2024
Éloge de la foi fraternitaire
La présidence de la 46ème édition du Livre sur la place, qui s’est tenue début septembre, était assurée par Edgar Morin, un des penseurs majeurs de notre époque âgé de 103 ans.
Fidèle au concept de « pensée complexe » qu’il a fondé, il dit de lui-même : « Je suis à la fois mystique et rationnel »
« La conscience d'un destin commun de l'humanité, destin fragile et menacé, a retenu toute votre attention, promouvant la nécessité d'une politique de civilisation visant à remettre l'homme au centre et non le pouvoir de l'argent. » C'est ainsi que le pape François avait salué, dans un message, le 2 juillet 2021, Edgar Morin, lors d'une cérémonie organisée à l'Unesco pour honorer le centenaire du sociologue et philosophe. Les deux hommes s'étaient rencontrés au Vatican deux ans auparavant. À cette occasion, François avait souligné « une convergence » avec l'œuvre du penseur, qui se définit comme « un incroyant radical », mais confesse : « J'ai une foi, la foi fraternitaire – à savoir dans la fraternité, donc – et le sentiment d'être inséré comme un atome dans le destin de l'humanité. Ce que j'ai acquis de plus en plus en avançant dans les connaissances, est le sens du Mystère de l'univers, de la vie, autour de nous et en nous. (…) Mais je ne nomme pas Dieu le Mystère et la Créativité. »
Dans les dernières lignes de Cheminer vers l’essentiel, paru récemment chez Albin-Michel, Edgar Morin nous donne quelques précisions supplémentaires. Il dit à Marc de Smedt :
« Pour moi le mystère est omniprésent ; non seulement il nous enveloppe, mais il est en nous. Pourquoi l’univers ? Où va-t-il ? Pourquoi la vie ? pourquoi suis-je issu d’un seul spermatozoïde sur des centaines de milliers qui se sont rués vers l’utérus de ma mère ? Toute connaissance débouche sur un mystère, ou le Mystère. Et ce mystère est empreint de poésie.
Si nous ignorons le sens de la vie, au moins pouvons-nous donner un sens à la nôtre : connaître, aimer, sentir intensément notre relation au cosmos, à la Terre, à la Nature vivante, à la vie végétale des arbres et des fleurs, à la vie animale, notamment de nos cousins mammifères, fraterniser entre humains. Vivre d’amour et aimer pour vivre. »
Lors de l’inauguration du livre sur la Place Edgar Morin a dit que « le roman continue à me donner ce lien vital avec le monde, avec l’univers. Non seulement, je lis mais je relis et la volupté de relire, c’est-à-dire de redécouvrir sous d’autres aspects un livre est quelque chose d’extraordinaire, j’ai relu 93 de Victor Hugo, une œuvre magistrale. (…) j’ai relu un roman de Roger Martin du Gard, Jean Barois, qui m’a tellement influencé dans mon adolescence, et que j’ai relu sur le problème de la foi, de la religion, du sentiment religieux et de l’incroyance »
Samedi 14 septembre, j’ai assisté avec un immense plaisir à la rencontre avec l’auteur égyptien Alaa El Aswany, un des plus grands écrivains du monde arabe, qui dans son dernier roman Au soir d'Alexandrie, paru chez Actes Sud, explore l’histoire de l’Égypte actuelle et le durcissement à la fin des années 50, au cœur d’une ville, Alexandrie, soumise à la violence d’un régime.
À un auditoire venu nombreux, El Aswany, qui est aussi l'un des membres fondateurs du mouvement d'opposition « Kifaya » (C?a suffi), a expliqué que « Le roman ne change pas les situations, le roman nous change, change les gens et les gens qui seront changés par la littérature seront capables d’achever un changement »
Durant le week-end du Livre sur la place, j’espère avoir découvert au moins un roman qui vérifie les paroles d’Alaa El Aswany. Je partagerai cette découverte avec vous, chers auditrices et auditeurs.
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