LE POINT DE VUE DE STÉPHANE VERNAY - Les élections européennes se tiendront ce dimanche 9 juin. Stéphane Vernay s'interroge : Les citoyens ont-ils fait un nœud à leur mouchoir pour ne pas oublier d'aller voter ?
Les candidats et les militants qui sillonnent les marchés depuis plusieurs semaines pour rameuter les troupes en doutent. Beaucoup de celles et ceux auxquels ils tendent leurs tracts leur semblent encore vaguement au courant, pas franchement intéressés. À en croire les sondeurs, à peine un électeur sur deux serait prêt à se déplacer pour glisser un bulletin dans l'urne dimanche.
Dans notre pays, où seule l'élection présidentielle mobilise vraiment les foules, avoir un électeur sur deux dans l'isoloir dimanche, ce serait beau. Aussi bien que lors des dernières européennes en France, en 2019, une des rares années où le taux de participation à des européennes avait dépassé les 50%. Mais ce serait décevant quand même, mauvais signe pour la démocratie et un camouflet pour les candidats, un désaveu si vous préférez. Les candidats sont très, très nombreux cette année : 38 listes se présentent, c'est un record pour un scrutin national, et la plupart ne cessent de nous dire que cette élection est cruciale. Ils ont raison, même s'ils peinent manifestement à nous convaincre de la gravité de la situation. Et c'est en grande partie leur faute.
Il me semble au contraire qu'on a vraiment beaucoup parlé d'Europe cette année. Je ne crois pas me souvenir que les campagnes précédentes aient donné lieu à autant de débats télévisés, d'émissions de radio ou d'interview de candidats. On n'a pas arrêté de parler d'Europe ces dernières semaines. Les programmes, composés de plusieurs centaines de propositions pour certains, fourmillent de mesures portant sur des questions de fond, que ceux qu'on appelle "les grands candidats" ont eu tout loisir d'exposer.
Je dis "les grands candidats" pour distinguer huit d'entre eux, ceux que l'on considère comme susceptibles d'avoir des députés élus dimanche prochain, des autres. Ceux-là ont eu accès aux plateaux et aux micros, les autres beaucoup moins, voire pas du tout. Leurs listes et leurs idées ont été "invisibilisées" dans cette campagne, qui n'a démarré que très, très tard. Les choses sérieuses n'ont vraiment commencé que la semaine dernière, les partis considérant eux-mêmes que les citoyens ne s'intéressent plus aux élections qu'au tout dernier moment. En parler trop tôt, ce serait dépenser du temps et de l'énergie pour rien. Le hic, c'est que tout le monde se réveille en même temps, juste à la fin. Comme la concurrence est rude et la fenêtre de tir pour capter l'attention des votants très courte, c'est l'outrance et la caricature qui prospèrent. Tout est bon pour se faire remarquer. Quitte à déraper pour essayer de se démarquer.
Quelques exemples récents ? Le Rassemblement national qui fait sa pub en affirmant que les gendarmes votent massivement pour lui. Le Premier ministre qui s'invite au milieu d'un débat pour soutenir sa candidate, ou le président de la République qui va utiliser les commémorations du 80ᵉ anniversaire du Débarquement, jeudi, pour parler des européennes pendant les journaux télévisés du soir. Les Insoumis et les communistes qui créent un nouvel incident à l'Assemblée nationale, hier, en soutien à la Palestine, disent-ils. Tout est bon pour échauffer les esprits avant le vote. Sauf que les électeurs ne sont pas dupes. Et que l'agitation, la confusion, les divisions qu'on voit monter à quelques heures de l'échéance risquent de produire l'effet inverse de celui escompté. Ce n'est pas en dégoûtant les citoyens de la politique et en les désespérant de la démocratie qu'on va les ramener aux urnes.
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