LE POINT DE VUE D'AYMERIC CHRISTENSEN - Les élections européennes approchent à grands pas. Une semaine après son débat avec le Premier ministre Gabriel Attal, la tête de liste du Rassemblement national Jordan Bardella continue de monter dans les sondages. Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie analyse cette dynamique et ses conséquences politiques.
34 % d’intentions de vote pour Jordan Bardella, avec de fortes progressions chez les chômeurs, dans le monde rural et même une percée chez les chefs d’entreprise… Face au RN, tous les candidats sont à la peine, avec même pas la moitié de ces projections. Le tout sur fond d’abstention colossale, même si elle semble reculer un petit peu : plus d’un électeur sur deux ne compte toujours pas se déplacer le 9 juin pour voter.
Tout comme l’ampleur de l’indifférence pour les questions européennes… C’était plutôt bien parti, pourtant. Chacun dans son style, chacun avec ses idées, les principaux partis politiques avaient tous présenté comme têtes de listes des députés européens sortants, reconnus pour leur sérieux et leur travail. Quoi qu’on pense d’eux sur le fond ou la forme, Valérie Hayer, Raphaël Glucksmann, Manon Aubry, François-Xavier Bellamy, Marie Toussaint : tous ont honoré le mandat qui leur avait été confié il y a cinq ans. Tous… sauf précisément Jordan Bardella qui, lui, a plutôt brillé par son absence, son désintérêt affiché et la poursuite de sa carrière politique nationale.
Mais peu importe, apparemment : ce sont des députés sur son modèle que les Français semblent vouloir envoyer au Parlement européen. Il ne faudra hélas pas s’étonner si l’influence et les intérêts de notre pays y sont encore moins défendus ces cinq prochaines années.
Une difficulté au point que Gabriel Attal et Emmanuel Macron éprouvent le besoin de voler à son secours. Voler à son secours… ou lui voler la vedette ? Toute l’ambiguïté de cette stratégie, c’est que l’exécutif contribue encore plus à décrédibiliser la candidate de son propre camp, comme si elle n’était pas capable de débattre elle-même ou de défendre un projet. Pourquoi le font-ils, alors ? Eh bien, parce que le plan ne se déroule pas comme prévu.
Emmanuel Macron pensait sans doute rejouer le match du combat contre le RN, comme aux précédentes élections. Mais un petit caillou du nom de Raphaël Glucksmann joue les trouble-fête, et pourrait bien rafler au parti présidentiel la deuxième place. Pour tenter d’éviter ça, le Président adopte donc la pire des options : tenter de réimposer coûte-que-coûte un duel contre son meilleur adversaire, façon « le RN ou moi »… quitte, pour cela, à inverser les rôles et passer, lui, pour l’opposant derrière un Rassemblement national triomphant. Le monde à l’envers, pour un résultat désastreux.
C’est en plus totalement incohérent avec le discours pro-européen de Macron. À quoi joue le Président ? Lui qui prêche l’importance de l’Union européenne… eh bien, en même temps, il saborde le débat démocratique sur cette même Union, au moment même où nous en avons le plus besoin. La contradiction est totale, la confusion dramatique. Et pour quel bénéfice politique ? Le scénario, on le connaît par cœur : comme à chaque fois que des politiques font le pari d’utiliser les extrêmes à leur profit, ce sont les candidats populistes qui en recueillent les fruits.
Bref. Il reste une dizaine de jours avant les élections. Il y a bien sûr peu de chances pour que les enjeux économiques, écologiques et géopolitiques de cette campagne reviennent au premier plan. Espérons juste que, parties comme ça, les européennes ne finissent pas en campagne de Russie.
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