Allemagne
À quelques jours des élections européennes, les grands partis traditionnels jettent leurs dernières forces dans la bataille et multiplient les apparitions sur les plateaux télévisions et radio. Une course contre-la-montre à laquelle les chefs de file des dites “petites listes” ne sont pas conviés. Invisibilité médiatique, manque d’argent, et seuil minimal des 5 %, le long chemin de croix de la campagne des Européennes des petites listes.
L’une prône l'Espéranto, une langue commune à l’Europe. L’autre défend un modèle de transition écologique. Une autre encore se dit transpartisane, et plaide pour la survie des animaux. En plus des huit mastodontes connus de tous - Rassemblement national, Renaissance, Parti socialiste, etc - une trentaine de listes ne demandent qu’à être entendues et écoutées. Mécontent du temps de parole qui leur était attribué, sept d’entre elles ont saisi l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel. Entre invisibilité médiatique, manque de moyens, et seuil minimal des 5 %, exister au sein d’un débat politico-médiatique cristallisé autour des mouvements politiques de grande ampleur peut se révéler difficile.
Fin mai, France Télévision a été accusé d’avoir commis une erreur dans la diffusion des clips de campagne. Les clips du Rassemblement national et de la majorité ont été préférés à ceux de différentes “petites listes” pourtant tirés au sort, à un horaire de diffusion de grande écoute. Si la chaîne du service public a reconnu “un incident”, et promet de “trouver une solution”, les chefs de file des “jeunes listes” - c’est comme ça qu’ils se renomment - étaient devant le siège de l’Arcom, lundi 3 juin. Tous dénoncent le deux poids deux mesures dont ils sont victimes.
“On est dans un cercle vicieux. Plus l’on vous donne la parole, plus vous êtes visible, plus vous êtes connu des citoyens”, analyse Hélène Thouy, tête de liste du Parti animaliste. Aujourd’hui, l’Arcom régule le temps de parole de chaque liste qui se présente. “Le temps [de parole, NDLR] est indexé sur des résultats des précédents scrutins”, rappelle le politologue au Cevipof Bruno Cautrès. “Les petites listes ont du temps, mais bien inférieures à celui donné aux grandes formations politiques”, surenchérit-il. La réponse de Hélène Thouy est catégorique : “en 2019, pour le RN par exemple, on était à presque 200 fois plus de temps de parole alors qu’ils ne sont pas 200 fois plus crédités d’intention de vote que nous”, se souvient la tête de file.
Même constat chez Équinoxe, liste qui défend un modèle de transition écologique. “On est le premier parti écologiste sur les réseaux sociaux. Malgré cela, nous ne sommes pas invités dans les médias, alors même que c’est un critère de l’Arcom”, tance Marine Cholley, la tête de liste.
À chacune des élections européennes, une liste française doit atteindre a minima 5 % des suffrages exprimés pour songer à glaner un siège d’eurodéputé au Parlement. Un barrage inscrit dans le marbre de la loi, et une exception que la France partage avec sept autres pays membres. La moitié des pays de l’Union européenne n’ont pas de seuil électoral. “Cette clause barrage des 5 % est colossale. En 2019, avec nos 2 %, on aurait eu deux eurodéputés si on avait été en Hollande ou en Allemagne”, souligne Douchka Markovic. “Où est la démocratie à la française ?”, s’interroge-t-elle. “On ne prend des voix à personne. Il y a 50 % des gens qui ne vont pas voter. Ce sont eux que l’on veut aller chercher”.
On ne prend des voix à personne. Il y a 50 % des gens qui ne vont pas voter et ceux sont eux que l'on veut aller chercher
La position dure et musclée de la candidate du parti animaliste est partagée par Pierre Larrouturou, tête de liste “Changer l’Europe” et député européen Nouvelle Donne. “S’il suffit de faire 0,6 % pour avoir des députés, les vieux partis vont se dire ‘mince, ils vont nous piquer des places. Si on veut regarder notre petit contingent, il faut que l'on aille regarder leurs idées. Il faut peut-être que l’on améliore notre pratique démocratique’. En France, ils se sentent super protégés par ces règles du jeu”, assure-t-il.
Si une partie de la visibilité se joue sur la scène médiatique, une autre réside dans la capacité des formations politiques à se rendre sur le terrain. Sans parlementaires, ni élus locaux, les jeunes listes doivent s’en remettre à leurs quelques affichages dans la rue et tracts de militants. “Ça coûte cher”, sont unanimes les têtes de listes. “Pour ce que l’on appelle la propagande électorale - c'est-à-dire affichage, profession de foi et bulletin de vote - il faut compter deux millions d’euros”, glisse un candidat.
Faire campagne sans argent se révèle presque impossible. “Si l’on veut montrer que l’on est présent, au-delà de quelques passages à la télé, au-delà des quelques secondes dans les spots de campagnes officiels, il faut qu’il y ait une campagne d’affichage”, rappelle Bruno Cautrès qui poursuit : “Il y a la tenue d’un certain nombre de meetings : il faut louer une salle, payer un service de sécurité. Tout ça coûte très cher”, admet le politologue.
Pour ce que l'on appelle la propagande électorale - c'est-à-dire affichage, profession de foi et bulletin de vote - il faut compter deux millions d'euros
Pourtant, une partie de la campagne se joue aussi via le digital et sur les réseaux sociaux. C’est le cas chez Équinoxe, boudée par les médias traditionnels. “Les réseaux sociaux, c’est pour mobiliser notre base militante, principalement jeune, soucieuse des enjeux climatiques. Mais pour faire un projet de société, porter un projet politique global, il va falloir parler à tout le monde, dont les plus de cinquante et soixante ans. Eux sont habitués à regarder la télévision, à écouter la radio”, peste Marine Cholley. “Les réseaux sociaux sont importants, mais ne remplacent pas les affiches et la tenue de meetings. C’est le fait de faire campagne, tout simplement”, conclut Bruno Cautrès.
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