LE POINT DE VUE DE THÉO MOY - À cinq jours des élections européennes, vous êtes peut-être encore incertains sur la liste à laquelle vous offrirez votre vote, ou vous hésitez peut-être à vous déplacer dimanche 9 juin. Théo Moy, journaliste à La Croix, propose de réfléchir à la manière dont un électeur catholique doit voter.
Je vous porpose de réfléchir à la manière dont un électeur catholique doit voter. Ce sujet m’est venu en tête en lisant une déclaration des évêques de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne, la Comece, qui appellent à soutenir en priorité les listes « qui soutiennent clairement le projet européen » ainsi que ceux qui défendent « les valeurs chrétiennes ». Et très honnêtement, je ne trouve pas que ces deux critères aident beaucoup chacune et chacun à se décider.
D’abord, j’ai un peu de mal avec l’idée qu’il faille en tout temps et en tout lieu soutenir le projet européen. Il est plus intéressant, et plus stratégique face à la montée des discours populistes, de se livrer au préalable à un examen critique de ce qu’a pu provoquer socialement, écologiquement ou politiquement ce projet européen. Nous avons d’ailleurs à travers la pensée du pape François dans l’encyclique Laudato Si, un appareil critique efficace pour penser le rôle de l’UE comme acteur d’une mondialisation assez inégalitaire.
Pour être plus clair, une liste appelant à signer de nouveaux accords de libre-échange en dépit de leurs conséquences écologiques et sociales, même si elle soutient par ailleurs le projet européen, ne me semble pas être un choix si évidemment chrétien. Pour ces évêques, l’Union européenne est bonne en elle-même, une position qui s’explique largement par l’histoire, étant donné l’importance de la contribution chrétienne à la construction européenne. Mais dans des sociétés largement déchristianisées, où même les catholiques qui demeurent fidèles s’éloignent de l’institution, cet argument n’a plus beaucoup d’effet.
Nos évêques mettaient en avant un deuxième critère : les valeurs chrétiennes. Un terme un peu piégeux, car chacun peut mettre dedans ce qu’il veut. Dans une récente interview, un cardinal européen listait ses sujets de désaccord avec l’Union Européenne : la théorie du genre, l’avortement, et, l’accueil des migrants. Dans le même temps, des associations chrétiennes et écologistes ont adressé aux listes de candidats leurs demandes précises : sortie des énergies fossiles, soutien à la justice climatique et réforme de l’agriculture.
Deux voix chrétiennes légitimes, mais des attentes bien différentes. Il n’y a ainsi pas un vote chrétien naturel, ou évident, chacun doit décider ce qui pour lui ou elle est au cœur de sa conception du rôle du politique, ses priorités au regard de sa foi. Il faut faire le deuil du parti ou du candidat parfait : il y aura toujours, dans tous les programmes, des éléments pour nous faire hésiter. Par contre, notre responsabilité est de débusquer dans les programmes les propositions qui, indubitablement, entrent en contradiction avec le message porté par la Bible et développé par la tradition chrétienne, à travers notamment la doctrine sociale de l’Eglise. Je pense pour finir que les catholiques ont la responsabilité d’exercer une distance critique avec les partis qui se réclament du christianisme en réduisant à quelques slogans. Pour le dire plus directement, la défense de la vie, très importante pour les chrétiens, ce n’est pas seulement l’euthanasie, mais aussi les vies migrantes et les drames écologiques.
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