Dans nos foyers ou dans la rue, pour les enfants comme pour les adultes, les disputes constituent une expérience universelle. Maxime Rovere, agrégé et docteur en philosophie, a récemment publié un ouvrage à ce sujet. Dans "Se vouloir du bien et se faire du mal - Philosophie de la dispute" (éd. Flammarion), il décrypte les mécanismes de la dispute et réfléchit à ce qu’elle reflète.
Si les disputes sont diverses et variées, elles ont une constante : elles se basent sur une anomalie, un déséquilibre. Pour Maxime Rovere, c'est la première étape, qui peut avoir des "conséquences spectaculaires". L'auteur de "Se vouloir du bien et se faire du mal" souligne également que c'est souvent l'amour qui alimente les conflits : "Même quand on considère que les gens s'aiment, il existe des frottements qui peuvent dégénérer."
L'écriture de cet ouvrage part d'un constat : dans une société aux multiples interactions, on assiste à une multiplication des malentendus. "Aujourd'hui toute frustration est vécue comme une souffrance", se désole Maxime Rovere. Ces interactions, justement, nous échappent de plus en plus dans un "effet tourbillon". Pourtant, rien n'est plus naturel qu'une dispute ! L'humain est imparfait et incohérent : "Nous sommes tous des individus très composés, à toutes les échelles." Ces dichotomies sont à l'origine de "turbulences". Maxime Rovere illustre en comparant à la météo, et invite à se concentrer sur ce qui provoque la tempête. Cette démarche fait découvrir des "effets papillon que l’on peut noyer pour que la dispute soit bénéfique".
Dans la dispute, l'ego occupe toute sa place. "Plus on est proches et plus on se blesse", rappelle l'auteur. Il perçoit l'égo comme un "remède pour sortir de l'insuffisance". Maxime Rovere insiste sur l'importance de ventiler ses émotions : "Quand elles arrivent il faut les vivre..." Il s'agit ensuite de surmonter la dispute pour en tirer le meilleur, d'analyser, de décrypter. De scruter la crise pour ce qu’elle est réellement. Notre "insurmontable incohérence" fait de la dispute une crise inévitable. Il faut donc accepter ce fatalisme, cet "événement désagréable engendré par un système".
La crise est l'occasion de mettre le doigt sur quelque chose qui dysfonctionne. "On est bien trop complexes pour être figés", note l'intervenant.
Dans une dispute, on se blesse, on est pris par ses émotions. Le dialogue est aussi biaisé par une volonté de prendre le pouvoir sur l'autre, explique Maxime Rovere. Cela se traduit par des cris, des paroles qui se coupent : "On fuit hors de l'espace même du langage qui est le lieu de la sérénité et de la fluidité."
Pour ne pas se laisser dépasser, temporiser semble être une solution. Et pour que la dispute devienne fertile, le philosophe invite à réorienter l’attention. Par exemple, une dispute au sein d'un couple est l'occasion d'interroger les fondements mêmes et le fonctionnement de la relation. "Dans un jugement moral on est souvent prisonnier du passé, on a du mal à nous adapter."
L'après-dispute s'accompagne généralement du pardon. C'est un travail chronophage et qui demande un effort, un premier pas nécessaire qui met l'ego de côté. C'est aussi une phase faite pour "déconstruire tous ces éléments l’un après l’autre, pour en venir à une approche qui serait non souffrante". Pour Maxime Rovere, faire le premier pas revient à se soulager, à se rendre libre.
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