Abus sexuels : à Lourdes, les évêques promettent des décisions importantes

"La feuille de route des évêques est celle du rapport de la CIASE". Voici ce qu’on promis les évêques mardi 2 novembre dernier, alors que s’ouvrait leur assemblée plénière d’automne, à Lourdes. Une assemblée plénière à laquelle des victimes d’abus sexuels ont été invitées. Une réunion largement consacrée au rapport remis par Jean-Marc Sauvé, et aux mesures nécessaires pour éviter que de tels drames puissent se reproduire au sein de l’Eglise.

"Une honte très forte"

"Il y a une ambiance lourde et grave en raison du sujet que l’on doit traiter, de la lecture du rapport de la CIASE, et de tout ce que nous avons partagé depuis un mois. C’est aussi une certaine remise en question sur une vision de l’Eglise. Ce n’est pas du tout l’Eglise dans laquelle je veux que l’Evangile soit annoncée. Il y a un poids, une douleur, une honte très forte. Nous sommes partie prenante de tout cela en tant qu’évêque. Et il y a une certaine gravité dans les responsabilités que l’on doit prendre" explique Mgr Luc Crépy, évêque de Versailles, chargé de la lutte contre les abus sexuels au sein de l’Eglise.

Des victimes d’abus sexuels ont été invités à s’exprimer durant cette assemblée plénière. Mardi 2 novembre dernier, elles ont notamment pu s’entretenir à huis clos avec les évêques. L’occasion pour le père Jean-Luc Sauveton, du diocèse de St-Etienne, victime d’abus sexuels, d’exprimer sa colère face à la gestion de cette affaire par la Conférence des Evêques de France, et face à la souffrance des victimes. Ces dernières demandent aujourd’hui à être écoutées, et à ce que des mesures fortes soient prises.

"Des muets qui essaient de parler à des sourds"

Message reçu fort et clair pour Mgr François Touvet, évêque de Châlons-en-Champagne. "Cet après-midi en les écoutant, je pleurais intérieurement. C’est vraiment une parole libre, courageuse, très rude à entendre, mais qui nous permet de regarder la réalité en face, pour orienter notre travail et prendre ensuite les mesures nécessaires. Je citais cette parole qui figure dans le rapport de la Ciase : "depuis des années, ce sont des muets qui essaient de parler à des sourds". Cet après-midi, ce n’était pas des muets, mais des personnes qui s’exprimaient librement, et dont la parole a été écoutée et entendue" déclarait-il sur RCF.

Une vive émotion pour les évêques

Les échanges avec les victimes ont d’ailleurs semble-t-il beaucoup marqué les évêques présents à Lourdes. "Beaucoup comme moi ont été bouleversés, secoués. Moi-même, j’ai encore été foudroyé, saisi au plus profond de moi-même. Cette émotion était partagée vu le climat qui régnait dans l’hémicycle. L’émotion n’empêche pas de réfléchir, de prendre du recul avec les autres évêques, les personnes laïques qui vont nous rejoindre et poursuivre le travail. Nous n’en restons pas à l’émotion, mais il est important de nous laisser émouvoir. Cela nous permet d’entrer dans le cœur du sujet qui est grave. Forts de notre émotion, nous allons travailler, réfléchir, et voir comment et quel rythme nous allons pouvoir mettre en œuvre les recommandations du rapport de la CIASE" ajoute Mgr François Touvet.

Au-delà de l’émotion et des paroles, les victimes d’abus sexuels dans l’Eglise attendent désormais des actes. Pour réfléchir aux mesures nécessaires, portant notamment sur le financement de l’indemnisation des victimes, ou la gouvernance au sein de l’Eglise, une centaine de laïcs ont été conviés à participer vendredi et samedi aux travaux de l’assemblée plénière. Pour Mgr Crépy, "il faut mettre en œuvre des changements et c’est l’affaire de tous". Et avec détermination.

Les évêques comptent "rester à la barre"

"Nous sommes tous déterminés à avancer par rapport à ce que la CIASE nous demande de faire. Nous sommes très déterminés par rapport à tout ce que les personnes victimes nous disent suite à la publication du rapport. Il y a une volonté commune de tous les évêques d’avancer et de prendre des mesures fortes. Quand le bateau est dans la tempête, le plus important est de rester à la barre pour avancer. Ce n’est pas nécessairement en quittant le bateau que l’on va résoudre les affaires. Par contre, qu’il y ait des paroles fortes, des gestes forts, des décisions fortes, ce sont là des attitudes très responsables" lance-t-il sur RCF.

Pas de démission collective donc, les évêques comptent bien "rester à la barre" et prendre leurs responsabilités. L’assemblée plénière se poursuit jusqu’à lundi. Les travaux sur les abus sexuels reprendront vendredi, et puis samedi. Avant l’annonce des mesures tant attendues.