Remis le 5 octobre 2021 par une commission indépendante, le rapport Sauvé faisait état d'un chiffre sidérant : en 70 ans, 216 000 personnes auraient été agressées mineures par des prêtres ou des religieux en France. Au-delà du sombre tableau, le rapport préconisait la voie d'une justice dite "restaurative" pour les victimes d'abus sexuels dans l'Église. Quelques mois plus tard, les autorités ecclésiales françaises mettaient sur pied deux instances d'écoute et de réparation. L'une d'elles a rendu hier un premier bilan de son action.
Des faits prescrits, une justice impuissante mais une reconnaissance salutaire. Dans la foulée des révélations du rapport Sauvé, l'Église de France créait deux instances indépendantes : la Commission reconnaissance et réparation (CRR) pour les victimes de religieux, l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) pour les victimes de prêtres. Il s'agit prioritairement "d'accompagner humainement, personnellement chaque victime", explique Marie Derain de Vaucresson, présidente de la seconde, citant les vertus "d'apaisement" et de "consolation" qui reviennent souvent dans la bouche des intéressés.
La juriste, spécialiste des droits de l'enfant, relaye la demande répandue chez les victimes "d'avoir une meilleure connaissance des circonstances de l'agression, de comprendre pourquoi ça a été possible". Cette démarche "nous amène à nous tourner vers les diocèses pour avoir davantage d'informations sur les circonstances, sur le parcours du prêtre", pose-t-elle.
Tout important qu'il est, le volet affectif est doublé d'un volet financier pas moins capital. "La question financière est souvent un marqueur de reconnaissance", remarque Marie Derain de Vaucresson. Créé à dessein par la Conférence des évêques de France, le fonds Selam est abondé par chaque diocèse en fonction de ses moyens. Les montants versés permettent "de contribuer à des soins, à des aménagements d'environnement, de contribuer à des moments à partager avec ses proches qui permettent d'aller mieux", prend-elle en exemples.
La question financière est souvent un marqueur de reconnaissance
"Dans un système d'équité, de justice, de justesse, nous sommes obligés d'avoir des critères et d'apprécier des niveaux de gravité", précise-t-elle. L'indemnisation fait l'objet d'une évaluation à travers une grille très précise. "Le premier axe, ce sont les faits. Le deuxième axe, les réponses de l'Église et donc les manquements qu'elle a pu avoir dans ces situations", décompose la juriste. "Le troisième, ce sont les conséquences dans la vie de la personne. C'est bien sûr le plus important".
Le premier rapport annuel de l'Inirr, dévoilé hier, révèle que seules 1 186 personnes se sont adressées à elles au 1er mars. Un chiffre dérisoire comparé à ceux du rapport Sauvé. "Un certain nombre de victimes ont trouvé les ressources personnelles ou autour d'elles pour tourner la page", interprète la présidente de l'instance. "Soit parce qu'elles ont trouvé les moyens de dépasser ces immenses difficultés, soit parce que c'est trop douloureux de réactiver les choses", observe-t-elle. "Pour certaines personnes, ce n'est pas abordable, la question du temps se pose".
Pour certaines personnes, ce n'est pas abordable, la question du temps se pose
Et la structure de réparation n'a pas été conçue pour durer éternellement, rappelle Marie Derain de Vaucresson, nommée pour trois ans renouvelables. "Arrêter notre activité, ça ne veut pas dire qu'il n'existera pas un type de réponse par la suite, mais ce ne sera plus à la même échelle".
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