Six Inuits du Nunavut sont actuellement en France pour demander l'extradition au Canada du père Johannes Rivoire. Ils se disent victimes d'abus sexuels de la part du prêtre. Aujourd'hui âgé de 92 ans, celui-ci refuse de se présenter à la Justice canadienne. Sa congrégation, les Oblats de Marie-Immaculée (OMI), a entamé une procédure de "renvoi canonique".
Six Inuits du Nunavut sont en France cette semaine pour demander l’extradition au Canada d’un prêtre franco-canadien accusé d’abus sexuels sur mineurs. Le père Johannes Rivoire, membre de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée a été missionnaire dans le grand nord canadien entre 1960 et 1992. Aujourd’hui, ces Inuits implorent la Justice française d’extrader l’homme âgé de 92 ans, pour qu’il soit jugé au Canada.
Ce mercredi 14 septembre, la délégation a enfin pu rencontrer le père Vincent Gruber, le provincial des Oblats de Marie-Immaculée et le père Johannes Rivoire lui-même… Les Oblats de Marie-Immaculée ont annoncé à Lyon que la congrégation entamait une procédure de "renvoi canonique" du père Rivoire, qui refuse obstinément d'obéir à ses supérieurs et de se présenter à la justice canadienne.
Il le clame haut et fort : "Je suis un survivant." Steeve Mapsalak affirme qu'il est l'une des victimes du père Rivoire - qu'il appelle "Monsieur Rivoire" - dans une école de rééducation pour les enfants autochtones du Nunavut. Il a raconté son histoire lundi à la presse à son arrivée en France.
"J’avais six ans quand on m’a contraint à quitter ma maison pour aller dans une école de rééducation. Je suis rentré chez moi, en 1970, après 13 ans... Je suis resté 13 ans dans cette école résidentielle. Je n’entrerai pas dans les détails de ce que m’a fait Monsieur Rivoire, mais ce qu’il m’a fait est grave. Pendant très longtemps, je n’ai rien dit parce que je pensais que j’étais sa seule victime. Ce n’est que plus tard que j’ai compris que je n’étais pas le seul, il y en avait beaucoup d’autres… Je pense à tous mes amis qui ont subis les sévices de Monsieur Rivoire, certains sont morts… J’ai besoin de clore ce chapitre de ma vie. Et comme vous le savez, Monsieur Rivoire est franco-canadien, il doit être jugé au Canada. Je ne peux rien dire de plus, seulement que toutes ces années ont été des années de souffrance."
"Nous avons besoin de votre aide", implore Aluki Kotierk, la présidente de Nunavut Tunngavik, l’organisation qui représente les droits du peuple inuit du Nunavut. Elle explique sa démarche : "Les crimes de Monsieur Rivoire ont entraîné des séquelles graves. Aujourd’hui les victimes ne pourront pas tourner la page s’il reste libre." Pour elle, cela ne fait pas de doute, les faits sont avérés. "J'ai entendu de nombreuses histoires d’enfants victimes d’agressions sexuelles et je les crois. Maintenant la France doit prendre des mesures rapides pour honorer la demande du Canada et extrader Monsieur Rivoire."
En juillet dernier, la veille de l’arrivée du pape François au Nunavut, le gouvernement du Canada a confirmé qu’une demande d’extradition avait bien été déposée contre le père Johannes Rivoire qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt au Canada depuis le mois de février. Mais, selon une loi de 1927, "l’extradition n’est pas accordée lorsque la personne réclamée a la nationalité française". Or le religieux a la double nationalité, française et canadienne.
En outre, les faits étant prescrits, il ne peut y avoir de poursuites pénales engagées en France. C’est ce qu’a expliqué la Chancellerie à l’issue de la rencontre avec la conseillère diplomatie du ministre Éric Dupond-Moretti lundi. "Néanmoins, en étroite relation avec le Canada, la France a demandé tous les éléments permettant d’établir les faits et d’interrompre le délai de prescription de l’action publique." La Chancellerie précise aussi que "la France se tient prête à répondre à toute demande d’entraide judiciaire que lui formulerait le Canada ou, le cas échéant, à agir dans le cadre d’une dénonciation des faits qui lui serait formulée, sous réserve néanmoins d’examiner l’éventuelle prescription des faits".
Les six Inuits ont pu aussi rencontrer Sœur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses en France (Corref), l'une des deux instances commanditaires du rapport Sauvé.
Celle-ci a déclaré sur RCF : "Ce que je crois c’est que cette rencontre est une rencontre d’humanité à humanité. J’ai souhaité leur dire mon immense respect, pour la démarche qu’ils font là, ce qu’elle coûte dans leurs cœurs, dans leurs corps dans leurs esprits… J’ai souhaité leur dire avant tout, toute ma reconnaissance pour tout le travail qu’ils ont fait pour obliger aussi la Justice canadienne à reconnaître et à enquêter sur l’ensemble des crimes commis par des religieux ou par des prêtres durant toutes ces décennies sur ces enfants. J’ai pu leur dire mon plein soutien, ma pleine présence pour me faire la plus solidaire possible de leur démarche."
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