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Attentat de Nice: "J'ai effectué la location du poids lourd", témoigne Audrey

Un article rédigé par Stèvelan Chaizy-Gostovitch - RCF Nice Côte d'Azur, le 26 octobre 2022 - Modifié le 26 octobre 2022

Audrey témoigne: le jour de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, elle se trouve sur la Promenade des Anglais. Deux heures plus tard, elle va apprendre qu'elle a rencontré le terroriste quand elle a effectué la location du camion dans l'agence où elle travaille, à Saint-Laurent-du-Var. 

Par Michel Abada — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=50220093Par Michel Abada — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=50220093

Elle tremble, regarde un peu les avocats, un peu la cour, derrière des lunettes de vue qu'elle va lever plusieurs fois pour essuyer des larmes. Audrey, travaillait le 11 juillet 2016 à Saint-Laurent-du-Var dans l'agence Via Location. Une journée en apparence normale pour celle qui est alors enceinte de 5 mois. "J'ai perdu mon travail que j'aimais" explique celle que l'on sent passionnée par son ancienne mission. "J'ai géré l'accueil, le standard, le retour des véhicules, un travail bien chargé, on est toujours en mouvement". 

 

L'appel du terroriste pour louer un camion

 

Le 4 juillet 2016, en milieu d'après-midi, Audrey réceptionne un coup de fil. "J'ai effectué la location du poids lourd" explique Audrey. Son témoignage est écouté attentivement car, sans le savoir, elle rencontre le terroriste. Elle évoque cet appel, au scénario bien préparé: Mohamed Lahouaiej Bouhlel appelle pour "une demande de déménagement d'une villa de Nice à Montpellier". Audrey explique qu'il voulait "un gros poids lourd, il n'a pas voulu du 12 tonnes" ce qui lui a paru "logique pour ce type de déménagement" (une villa). Le plus gros modèle, c'est le 19 tonnes. Ce 4 juillet, Audrey va prendre "nom, prénom date de location" car elle "n'avait pas de véhicule disponible" du 11 au 13 juillet. 

 

"On a fait le tour du véhicule pour voir les rayures"

 

Puis tout se met en place, normalement. "J'ai demandé à ma direction si on faisait de la location pour les particuliers", La réponse c'est oui "si permis poids lourd". L'agence de location arrive "à sortir un poids lourd de l'entretien". Il doit être loué après le 14 juillet 2016 et donc rendu "au plus tard le 13 juillet à 17h30". Une veille de jour férié, Audrey sera en RTT mais elle va donc faire la location le 11juillet à 9h. "Il est arrivé avant moi" se souvient-elle. "On a fait le tour du véhicule pour voir les rayures, pendant ce tour du véhicule il a reçu un appel, je me suis écarté par politesse, il est revenu en s'excusant". Un appel dont elle se souvient plus tard, lors des questions des avocats. Audrey rajoute un détail: "il ne parlait pas en français" pendant cet appel. Une "marche arrière avec le camion", des questions "sur le hayon" du véhicule puis le départ de Mohamed Lahouaiej Bouhlel. 

 

Il me faut le contrat de location, c'est notre véhicule

 

Comme beaucoup de niçois, Audrey se rend à la Prom Party et assiste au feu d'artifice le 14 juillet. En RTT la veille, elle ignore alors que le camion n'est pas revenu à 17h30 comme prévu. Après le feu la mère d'Audrey "avait envie d'une glace", elle stoppe alors son témoignage, prise par les sanglots. Une avocate lui dépose une boîte de mouchoirs. "On a traversé la voie qui était fermée". Puis le camion est passé: Audrey et sa famille échappent à la mort. Ils prennent la fuite par la villa Masséna et sont rentrés au domicile d'Audrey. 00h27: elle reçoit un appel de son patron qui lui dit "je suis avec la police, il me faut le contrat de location, c'est notre véhicule". "Je ne voulais pas y croire, je ne voulais pas..." dit Audrey. Un silence, puis elle explique: "j'ai tout indiqué, dès le lendemain je donne mon témoignage au commissariat, mon directeur n'a pas voulu que j'aille travailler".

 

"Je n'avais plus aucun repère"

 

Audrey n'a "pas réussi à retourner au travail". Cela a dû se terminer en rupture conventionnelle. "J'ai perdu mon travail que j'aimais, du jour au lendemain ma vie s'est effondrée, je n'avais plus aucun repère". Après un an à s'occuper de son enfant, Audrey essaye de se reconstruire dans la petite enfance et travaille en crèche puis des CDD dans le secrétariat. Cet été seulement, elle a retrouvé un CDI. Sur la culpabilité, son avocate lui pose la question. "Je sais que je ne devrais pas mais je me suis senti coupable de ne rien avoir vu avant" explique Audrey. "Vous n'avez pas à vous sentir coupable" lui rappelle son avocate dans une phrase rassurante. Audrey est victime et son avocate a demandé à la constituer partie civile. 

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