Aujourd'hui sort en salles "Le bleu du caftan". C'est le second long métrage de la réalisatrice marocaine Maryam Touzani, trois ans après "Adam", qui avait remporté de nombreux prix à l'international.
En seulement deux films, Maryam Touzani est devenue une réalisatrice qui compte dans le cinéma mondial. C’est un cinéma sensible, sensoriel, tout en pudeur et en délicatesse qu’on pourrait résumer un peu trop rapidement par un cinéma "féminin". Mais sous cette douceur se cache beaucoup de courage. Car il en faut pour aborder, comme elle le fait, les interdits et les tabous de la société marocaine actuelle.
Dans son premier film, "Adam", elle abordait le thème des filles-mères, qui sont encore passibles de prison aujourd’hui au Maroc. C’était l’histoire d’une jeune mineure enceinte recueillie par une veuve qui élevait seule sa fille en vendant des pâtisseries dans la médina de Casablanca. Le film a été primé sur tous les continents, de Carthage à Chicago en passant par Durban ou la Corée. Et il avait surtout remporté le premier prix Croire au cinéma dont RCF est partenaire et qui distingue chaque année un film pour ses valeurs humaines ou spirituelles.
Le second long métrage de Maryam Touzani nous fait entrer cette fois dans l'intimité d'un couple marié, qui cache aux yeux de la société un secret honteux. Halim et Mina travaillent ensemble dans l’atelier de broderie traditionnelle où lui est un mâalem (un maître), il fabrique à l’ancienne des caftans pour les riches marocaines, ces robes de fêtes luxueuses brodées à la main. Le film s’ouvre sur un tissu bleu soyeux qui va progressivement être transformé par les mains délicates d’Halim. Mais l’arrivée d’un bel apprenti et la maladie de Mina vont bouleverser le cours de leur vie.
Le secret qu'ils cachent ensemble c'est l'homosexualité clandestine d'Halim, une source de souffrance pour eux deux. Ils s’aiment profondément. Elle le protège au début, surtout par crainte de la police, puis les rôles s’inversent quand elle tombe malade. C’est un très beau film sur la puissance de l’amour, ce que l’on est prêt à faire pour l’autre, pour l’aider à vivre en vérité et à surmonter ses peurs.
Comme pour "Adam", la caméra filme de façon très sensuelle les mains, les visages, les regards, une intimité où tout se dit sans parole : l’attention aux autres, la transmission des savoir-faire, le tout dans un certain éloge de la lenteur… Le jury du prix Croire au cinéma avait salué pour "Adam" : "le magnifique travail sur la lumière", et célébré "la grâce du quotidien" qui émanait de ce film. Maryam Touzani a travaillé avec la même directrice de la photographie, Virginie Surdej, qui filme souvent des très gros plans qui magnifient les gestes et le soin apporté par l’artisan à son travail notamment. Puis la réalisatrice et scénariste file ensuite une belle métaphore
entre les tissus et les corps, jusqu’à une magnifique scène finale très forte.
Un mot de l’actrice principale, formidable, Lubna Azabal, déjà présente dans ADAM et qu’on vient de voir plus récemment en mère dévastée et digne, dans le très beau film autobiographique de Rachid Hami, "Pour la France".
Ce 22 mars sort également en salles "Dalva", d'Emmanuelle Nicot. Un premier long métrage époustouflant sur une jeune fille de 12 ans retirée à la garde de son père incestueux et manipulateur. Un long chemin de libération pour Dalva qui, de
femme-objet va apprendre à devenir enfant après plusieurs années d’emprise. C’est très documenté, édifiant, et la jeune actrice Zelda Samson, dont c’est la première expérience
devant une caméra est absolument sidérante de naturel.
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