Côtes-d'Armor
Trois semaines après le passage du cyclone Chido qui a durement frappé Mayotte, la situation reste toujours précaire. Un second détachement d'ONG de sapeurs pompiers est arrivé dans la ville de Dembéni, sur Grande Terre, pour apporter des moyens humains et de l'aide aux sinistrés. Parmi eux, Benjamin Le Goff est vice-président de l'association Pompier International des Côtes d'Armor (Pica).
Benjamin Le Goff, vous êtes arrivé le 29 décembre sur l'archipel, en prenant la relève d'une première équipe de bénévoles. Pouvez-vous nous dire où vous vous trouvez ?
Nous sommes actuellement basés dans la commune de Dembéni (sur la côte est de Grande Terre, ndlr). C'est une commune de 18 000, 20 000 habitants recensés officiellement. Mais on peut considérer qu'il y a entre 30 000 et 35 000 personnes. On a pris la suite de l'équipe qui avait mis en place un dispensaire fixe, prêté par la mairie.
Qu'est-ce que vous pouvez voir autour de vous ?
Il y a des marques laissées par le cyclone. Les arbres et les toits sont arrachés. On constate aussi que très vite les bangas, ce qu'on pourrait appeler vulgairement chez nous des bidonvilles, se reconstruisent à vitesse grand V parce que les gens n'ont pas le choix, ils n'ont pas d'abris. À ces endroits, les traces du cyclone sont en train de de s'effacer mais ça ne change pas les conditions dans lesquelles ces gens vivent.
Parlez-nous des conditions, quelle est la situation par rapport à l'eau ?
On arrive à avoir de l'eau sur le réseau. Par exemple, dans la commune de Dembéni, on en bénéficie un jour sur deux ou un jour sur trois, pendant une période définie. On s'organise par rapport à cela pour pouvoir remplir nos bidons et nos réservoirs d'eau. Il faut savoir que le réseau n'a pas été assaini depuis la tempête donc il est important de potabiliser l'eau pour que l'on puisse la consommer.
Les moyens emmenés sur place sont essentiellement utilisés pour l'équipe. Nous avons diverses missions : de soins, de tronçonnage, etc. En ce moment, on est sur une distribution de nourriture. Il y a 300 familles qui vont bénéficier d'un lot avec du riz, du thon et différents condiments pour qu'ils puissent passer quelques jours.
Quels sont les besoins des Mahorais et Mahoraises que vous rencontrez ?
Les besoins fondamentaux. C'est la nourriture, l'eau et les soins. Au niveau de l'habitat, ils ont l'air de se débrouiller mais on reste sur des habitats précaires. Par contre, se pose la question de la pérennité de l'eau et de l'accès à la nourriture. Aujourd'hui, les prix flambent comme on ne peut pas imaginer. Une petite bouteille d'eau se vend cinq euros. Ça vous donne un petit peu la teneur de l'inflation qu'il y a sur toutes les denrées alimentaires et essentielles.
Quelle est la situation sanitaire actuelle ?
Pour l'instant, il n'y a pas de signes de maladie qui s'installe. Mais c'est juste à notre niveau, on n'a pas une vision globale de ce qui se passe. La situation sanitaire est de toute façon très difficile. Ce matin, on a ouvert notre dispensaire à 8h et il y a actuellement 60 personnes qui ont été prises en charge.
Les gens présentent des pathologies diverses : des plaies, des complications de grossesse, des maladies chroniques. Maintenant que la population sait que l'on a mis en place ce dispensaire, on n'a pas encore ouvert les portes, que les bancs sont pleins de personnes en train de nous attendre.
L'engagement de ces deux missions a nécessité entre 80 000 et 90 000 € d'investissement
Vous êtes arrivé avec l'association PICA dans le cadre d'un collectif d' ONG de sapeurs-pompiers. Quelles sont les autres associations ? Combien êtes-vous ?
On est arrivés à onze et un médecin doit également nous rejoindre. Nous sommes trois ONG : il y a l'association FAUSI (France Urgence Secours International), l'association Pompiers Humanitaires Français et PICA (Pompier International des Côtes d'Armor).
Combien de bénévoles de l'association PICA ont été déployés à Mayotte depuis le début ?
Vu les contextes de périodes de tension dans nos métiers, sur les deux unités, nous avons réussi à projeter deux personnels dans un premier temps : ma collègue Blandine et moi. Nous avons participé chacun à une mission.
Qu'est-ce qui a pu être fait par cette première équipe à Mayotte ?
Exactement la même chose que nous au début, ils ont fait un peu de potabilisation. Ils distribuaient de l'eau à 400 personnes. Mais ça reste compliqué d'assurer une distribution puisqu'il faut sécuriser. On est avec beaucoup d'agents de la police nationale et municipale pour pouvoir distribuer la nourriture. Cela nécessite une organisation en amont pour distribuer un volume suffisant par rapport au flux de personnes.
Quel lien avez-vous avec les autorités locales ?
On a des liens étroits avec la mairie (de Dembéni), les services de police, la gendarmerie et les sapeurs-pompiers. On n'arrête pas de nous remercier d'être là. Ils font leur maximum pour pouvoir nous aider et mettre des moyens à disposition tels que des véhicules, du matériel de tronçonnage etc.
Tous les soirs, on fait un point avec le maire sur notre activité du jour. On prend les informations qui lui sont parvenues dans la journée et puis, on s'adapte et on règle les choses au fur et à mesure.
Qu'est-ce qui vous marque le plus en étant sur place et qui peut changer des autres interventions auxquelles vous avez déjà pris part ?
Ce qu'il faut savoir, c'est que le soir le couvre-feu est toujours établi. Il y a des mouvements de jeunes de populations, je dirais clandestines, qui parfois envahissent des secteurs et en décousent avec les forces de l'ordre.
Hier soir, on a dû évacuer rapidement puisque il y avait des centaines de jeunes qui sont descendus des bangas et qui ont voulu prendre possession d'un quartier pas très loin de là où l'on était. Les forces de l'ordre sont intervenues. Il y a eu des tirs de lacrymogène pour la dispersion, ça a duré assez longtemps. Plus tard, on a même entendu des tirs d'armes à feu. La journée, tout se passe bien. La nuit, il vaut mieux rester cachés.
Combien de temps prévoyez-vous de rester avec cette deuxième équipe ?
Normalement, on va rentrer en métropole aux alentours du 7 janvier. On ne sait pas encore si l'on est en mesure d'envoyer une équipe supplémentaire. Cela pour différentes raisons : la disponibilité du personnel et la capacité financière. L'engagement de ces deux missions a nécessité entre 80 000 et 90 000 euros d'investissement pour pouvoir projeter les équipes. Il faut que l'on ait des fonds, même pour mettre en place des projets d'aide, sans que le personnel soit sur place.
Pour soutenir l'association Pompiers humanitaires des Côtes-d'Armor, vous pouvez adresser un don par courrier : PICA - Urgence Mayotte, 11 rue du marché aux chevaux, 22 800 Quintin.
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