En pleine crise des agriculteurs et après la polémique Oudéa-Castera, Gabriel Attal prononce son discours de politique générale à l'Assemblée nationale. Sa déclaration sera structurée autour de “trois piliers" : le travail, les services publics et la transition écologique. Mais ce grand oral, sans vote de confiance des parlementaires, est plus une tradition républicaine au moment de prendre ses fonctions de Premier ministre qu’un exercice de politique programmatique.
“Aujourd’hui, le discours de politique générale est devenu une formalité” prévient d’emblée Philippe Moreau-Chevrolet, spécialiste en communication politique, président de MCBG Conseil. “C’est la nostalgie d’une période où le Parlement était plus fort, où il faisait vraiment la loi” complète-t-il. Sauf que sous la Ve République, le centre de gravité du pouvoir s’est déplacé vers l’Élysée et la folklorisation du discours de politique générale incarne bien ce glissement.
Concrètement, ce discours n’a plus une grande valeur politique. “Aujourd’hui, il n’a plus vraiment de valeur programmatique puisqu’on y répète les impulsions actées par le chef de l’État” rappelle le communiquant. En gros, Gabriel Attal ne va pas régler la crise des agriculteurs avec un discours depuis l'hémicycle.
Néanmoins cet exercice auquel se livrent tous les Premiers ministres, même s'ils n'y sont pas obligés, permet d'imprimer son style, de présenter sa méthode. Il n’est donc pas dénué d’intérêt. “Il s’agit d’un oral afin que le Premier ministre et l’Assemblée nationale puissent se présenter et se familiariser avec le style du chef du gouvernement.”
C’est très important de ritualiser la vie démocratique pour donner du sens à l’action parlementaire
En 1988 par exemple, Michel Rocard, lyrique, entend insuffler un "nouvel espoir" et détaille ses "rêves", jusqu'à réparer "boîtes aux lettres cassées" et "ascenseurs en panne". Autre style chez Pierre Bérégovoy, en 1992, qui, dénonçant le fléau de la corruption, brandit une feuille et menace : "J'ai ici une liste de personnalités dont je pourrais éventuellement vous parler...", provoquant un tollé à droite et une interruption de séance.
Plus récemment, en 2022, privée de majorité absolue, Élisabeth Borne avait choisi d’appeler les députés aux "compromis" futurs et promettait "une concertation dense" et "le plus en amont possible", sur la réforme des retraites notamment.
Pour Gabriel Attal, le style pour l’instant basé sur "l'action" et les "résultats", avec beaucoup de déplacements sur le terrain, est déjà mis à l'épreuve par les agriculteurs, qui jugent insuffisantes ses premières mesures et continuent de barrer les routes.
Ce discours de politique générale qui dure en général entre 45 minutes et une heure a souvent une teneur solennelle. “C’est très important de ritualiser la vie démocratique, d’avoir des moments encadrés, normés où l’on se retrouve pour donner du sens à l’action parlementaire” souligne Philippe Moreau-Chevrolet. Et puis alors que le Premier ministre est devenu “un porte-parole du président”, il s’agit “d’accorder un peu de poids au chef du gouvernement afin de lui permettre d’exister”.
Cette dernière dimension est d’autant plus importante dans le contexte des élections européennes, car Gabriel Attal a été nommé pour être aussi le chef de campagne du camp présidentiel en vue du scrutin de juin prochain. “C’est un discours qui devrait être un discours de campagne en vue des élections européennes” conclut Philippe Moreau-Chevrolet.
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