À 34 ans, Gabriel Attal devient le plus jeune Premier ministre de la Ve République. Il remplace Élisabeth Borne à Matignon dans l’espoir de donner un nouveau souffle au second quinquennat d’Emmanuel Macron. Cette nomination est une première consécration pour l’ancien ministre de l’Éducation nationale, pur produit de la "macronie", qui a connu une irrésistible ascension.
“Gabriel Attal incarne le macronisme historique” explique d’emblée le politologue Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS et professeur à Sciences Po Rennes. “Il s’est construit une image d’efficacité dans l’opinion publique, il vient de la gauche, s’est droitisé et il a soutenu le président sur le projet de loi immigration” énumère-t-il. Bref : “En miroir, il ressemble beaucoup à Emmanuel Macron.”
Le 20 décembre dernier, le chef de l’État avait d’ailleurs salué sur France 5, “un responsable politique qui, partageait [ses] combats depuis le début” et qui dispose de “l'énergie, le courage de mener les combats nécessaires". Cette fois, après la nomination de Gabriel Attal à Matignon, Emmanuel Macron a également réagi avec les mots suivants : “je sais pouvoir compter sur votre énergie et votre engagement pour mettre en œuvre le projet de réarmement et de régénération que j’ai annoncé. Dans la fidélité à l’esprit de 2017 : dépassement et audace.”
“C’est une carte qui a beaucoup d'atouts” résume Romain Pasquier. Pour le constitutionnaliste Benjamin Morel, Gabriel Attal incarne une "stratégie très offensive en vue des élections européennes" de juin, où l'extrême droite est donnée gagnante en France. Mais le premier atout du jeune prodige de la politique est peut-être son sens de la communication. Très attentif à son image, il réalise un sans-faute lorsqu’il se retrouve au premier plan, devant les médias, à partir de juillet 2020, quand il est nommé porte-parole du gouvernement de Jean Castex.
Plusieurs mois, avant qu’Emmanuel Macron n'organise son tournage avec les youtubeurs McFly et Carlito à l’Élysée, Gabriel Attal n’hésite pas à ouvrir ses portes à des vidéastes de la plateforme ou à organiser une émission sur la plateforme Twitch. Il assume publiquement son homosexualité et communique sur le harcèlement dont il a été victime dans sa jeunesse.
Il est nommé ministre des Comptes publics en mai 2022, sous la houlette de Bruno Le Maire à Bercy. Et le feu des projecteurs ne s’éteint pas lors de son passage, pourtant bref, au ministère de l’Éducation nationale. En quelques mois, depuis juillet dernier, le successeur du discret Pap Ndiaye fait deux fois le 20h00 de TF1 en quelques semaines, interdit l'abaya, se dit favorable aux expérimentations sur l'uniforme et se saisi du harcèlement à l'école.
Le ministère de l’Éducation sera le tremplin final d'Attal vers Matignon
Après deux mois d'une mission "Exigence des savoirs" lancée en grande pompe sur l'esplanade de la Bibliothèque nationale François-Mitterrand, il égrène ses solutions : nouvelle épreuve de maths au bac en première, création de groupes de niveaux au collège, entrée au lycée conditionnée à l'obtention du brevet, retour controversé du redoublement, nouveaux programmes au primaire.
Les annonces vont tout azimut et le jeune ministre est à peine éclipsé par le projet de loi immigration. Le ministère de l’Éducation sera finalement son tremplin final vers Matignon. En quelques mois, il parvient à figurer parmi les personnalités politiques préférées des Français.
Encarté à 17 ans au Parti socialiste, il devient conseiller municipal à Vanves à 25 ans puis conseiller de Marisol Touraine, ministre de la Santé sous François Hollande. Issu de la mouvance des jeunes soutiens de Dominique Strauss-Kahn, Gabriel Attal avait fait partie des premiers socialistes à suivre Emmanuel Macron lors de la création en 2016 de son parti En Marche!.
Après la victoire de Macron en 2017, ce fils d'un producteur de cinéma, qui a fréquenté les bancs de la très huppée École alsacienne à Paris, se fait élire député dans un fief de droite des Hauts-de-Seine, en banlieue parisienne. Il entre finalement au gouvernement par la petite porte au secrétariat à la Jeunesse en 2018.
Plus jeune Premier ministre de la Ve République, Gabriel Attal va maintenant devoir s’imposer face à son mentor. “Emmanuel Macron est un président très vertical, très interventionniste, assez jacobin et son chef de gouvernement doit être un chef d’orchestre, un collaborateur” analyse Romain Pasquier. Lors de ses vingt mois passés à Matignon, Élisabeth Borne a incarné cette figure du bon soldat s’appliquant à prendre les coups à l’Assemblée nationale. Reste à savoir si son successeur acceptera les mêmes habits.
Gabriel Attal va devoir négocier un programme avec des partenaires qui ne se bousculent pas au portillon”
Surtout, la nomination d’un nouveau Premier ministre ne réglera pas le problème de fond du second quinquennat d’Emmanuel Macron : l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale. “Le problème structurel reste” note Romain Pasquier. Le prochain locataire de Matignon va devoir “négocier un programme avec des partenaires potentiels qui ne se bousculent pas au portillon” conclut le politologue.
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