Avant son investiture officielle le 20 janvier, Donald Trump affiche les des velléités expansionnistes. Ses menaces de récupérer le canal de Panama, mais aussi ses propositions d’annexion du Groenland choque les alliés des Etats-Unis.
Donald Trump aime le Groenland ! Au point d’avaler tout rond la plus grande île de la planète ? Le 7 janvier, le nouveau président américain a refusé d’exclure tout recours à la force pour annexer aussi bien le Groenland que le canal de Panama, suscitant la stupéfaction dans les chancelleries européennes et une vague de réactions indignées. En décembre sur son réseau Truth Social, Trump écrivait : "pour des raisons de sécurité nationale et de liberté dans le monde, les Etats-Unis d'Amérique estiment que la propriété et le contrôle du Groenland sont une nécessité absolue". En 2019, il préconisait déjà d'acheter ce territoire colonisé par le Danemark, en 2025, il parle désormais d’annexion.
Dans l’Histoire, les Etats-Unis, ont cherché à plusieurs reprises à acquérir le Groenland? d’abord en 1867 dans le cadre de la doctrine Monroe de prédominance américaine sur le continent. En 1916, le gouvernement américain reconnait la souveraineté danoise sur ce territoire. Durant la Seconde Guerre mondiale, le Groenland a été "protégé" par les Etats-Unis, le Danemark étant lui occupé par les Nazis. Nouvelle tentative de rachat en 1946 avec une offre de 100 millions de dollars-or, refusée par le Danemark. L’armée américaine est restée avec une base importante dans le grand nord. "Durant la guerre froide, le Groenland revêt un intérêt de défense primordial avec les missiles intercontinentaux. Le territoire est devenu le premier bouclier face à l'Union soviétique puis la Russie" rappelle Mikaa Blugeon-Mered, chargé d’enseignement des Outre-mer à Sciences-Po, spécialiste du Groenland.
Aujourd’hui, le Groenland est un verrou important avec l’ouverture de nouvelles voie navigables avec le dégel de la banquise. Mais ce territoire de 56 000 habitant attise aussi les convoitises pour d’autres raisons. "Ce qui intéresse tout particulièrement, ce sont les terres rares et le lithium, pour les matières les plus stratégiques. Mais il y a aussi des minerais plus classiques comme le nickel, le cuivre, le fer" détaille, Pia Bailleul, anthropologue, chercheuse au CERI Science-Po, spécialiste des problématiques minières du Groenland. Des matières premières essentielles à la transition énergétique que les Etats Unis espèrent bien contrôler, tout comme l’Europe, mais aussi la Chine qui s’immisce de plus en plus dans l’Arctique. "Au Groenland, ce qui se joue, ce sont des enjeux asymétriques, côté américain comme côté chinois parce que le Groenland est un pays grand par la taille, quatre fois la France, mais très petit par sa population et son économie" souligne Mikaa Blugeond-Mered.
Le Groenland appartient au Danemark, mais ne fait pas partie de l'Union européenne. Même s’il y a un partenariat des 27 avec ce territoire. Cette ancienne colonie, fondée en 1721, a vu son statut profondément évolué depuis 1979. "Le Groenland forme un territoire autonome qui est rattaché au Danemark avec un parlement, un gouvernement et Copenhague a transféré la plupart de ses pouvoirs sauf la défense, la police et les affaires étrangères" explique Marie Noëlle Rimaud, chercheuse spécialiste du Groenland. Le Danemark verse environ 500 millions d’euros par an, soit un quart du PIB groenlandais. En 2009, cette autonomie a encore été renforcée avec la possibilité de signer des accords internationaux ou de déclarer l’indépendance à l'issue d'un référendum. Mais en cas d'indépendance les Danois cesseraient de financer le territoire.
Les Danois et les Groenlandais rejettent en bloc tout rattachement avec les Etats-Unis. "Il y a une réaction nationaliste. Ils avaient d’ailleurs très mal réagi en 2019 à la première tentative de Trump" rappelle Pia Bailleul. "Les Groenlandais revendiquent l'accession un jour au statut d'État. Cette volonté politique-là, pour le moment, le Danemark la respecte". En agitant la menace d’annexion, Trump joue peut-être un autre jeu diplomatique un peu plus subtil qu’en apparence. "Plus il met la pression sur le Danemark, au final, plus il va s'immiscer dans les affaires groenlandaises, en montrant aux Groenlandais que l'indépendance est possible et que dans ce cadre-là, tout est envisageable. Une annexion, ça paraît quand même invraisemblable. Mais il y a d'autres options comme devenir un État associé ou avoir un partenariat stratégique privilégié" estime Mikaa Blugeon-Mered.
Ce n’est sans doute pas un hasard si le fils de Donald Trump était en voyage au Groenland comme "touriste" cette semaine. 2025 est une année électorale dans le territoire avec des législatives prévues en avril. Certains partis souhaitent y ajouter un référendum sur l’indépendance. La rhétorique de l’annexion est aussi utile pour Trump auprès de sa base électorale la plus radicale. "Aux Etats-Unis qui connaît exactement les enjeux du Groenland ?" interroge Mikaa Blugeon-Mered.
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