Cela faisait dix ans qu’il n’était pas revenu en France. Loin de sa Vendée natale, Julien Caquineau, sportif tête brûlée jusqu’à un grave accident, a fini par établir sa résidence au Groenland. Là-bas, il est devenu chasseur professionnel et vit désormais au rythme de la nature. Une vie hors du commun qu’il raconte dans un livre co-écrit avec le journaliste Hubert Prolongeau et publié mi-mars aux éditions Albin Michel.
"Je n’ai jamais vraiment planifié le futur. J’aime bien prendre la vie comme elle vient et je suis le chemin qu’elle me met devant les pieds." Julien Caquineau est de ceux qui agissent spontanément, sans se poser de questions. Depuis qu’il a découvert la montagne lorsqu’il était en formation avec les chasseurs alpins, sa vie a été rythmée par le goût du risque. Il a d'abord découvert l’alpinisme et l’escalade, avant de se lancer – comme pour tout – un peu par hasard dans le base-jump, un sport extrême qui consiste à sauter en parachute d’un pont, d’une falaise ou encore d’un immeuble. "Le moteur, c’était plus de me retrouver avec mes amis, d’être en montagne. La redescente en wingsuit [une sorte de combinaison ailée, ndlr], c’était vraiment la cerise sur le gâteau", raconte-t-il, en détaillant la sensation du temps qui se décuple au moment de sauter.
Cette passion occupait une grande partie de son temps, jusqu’à un grave accident qui aurait pu lui coûter la vie en Suisse allemande. "L’accident n’est pas dû au hasard, c’est de ma faute, confie le sportif. À l’époque, je faisais ça comme si j’allais acheter mon pain, je me sentais invincible, avec un ego surdimensionné", se souvient-il. Alors qu’on le disait incapable de remarcher un jour, Julien Caquineau a puisé dans sa rage la détermination suffisante pour remarcher et retourner sauter sur les flancs de montagne. Mais les sensations n’étaient plus là, le niveau n’était plus le même. Cette prise de conscience a été un véritable point de bascule pour ce sportif, qui est ensuite tombé dans la fête et les excès, jusqu'à devenir "le fantôme de lui-même".
Ce qu’il ignorait c’est qu’un nouveau départ l’attendait à des milliers de kilomètres de la France, dans l’Arctique. Encore une fois, rien n’était planifié. Julien Caquineau avait simplement prévu de rendre visite à des amis rencontrés lors d’une expédition là-bas quelques années plus tôt. "Ça ne me faisait pas rêver, ce n’est pas du tout idyllique de vivre au Groenland !" plaisante-t-il.
C’était sans compter sa rencontre avec un chasseur, qui lui a enseigné tous les rudiments de la chasse. Celui qui n’avait jusqu’alors pas une très bonne image de l’activité ou en tout cas de celle pratiquée en Occident, a fini par se prendre au jeu. "Ce qui me plaisait là-bas c’était ce rapprochement avec la nature, c’est-à-dire d’aller chercher ce dont on a besoin pour vivre", sourit-il.
Les gens ont perdu la notion d’où vient la nourriture... Je pense qu’aller chasser le phoque pour se nourrir, c’est quand même moins impactant pour l’environnement que d’aller manger des hamburgers chez Mc Do, où les vaches ont été abattues par milliers
Au Groenland, dans un cadre hostile mais magnifique, Julien Caquineau a pris peu à peu ses marques. Jusqu’à savoir interpréter dans la nature les signes des changements météorologiques, ou deviner la présence les phoques. En 2009, il est devenu le premier étranger à obtenir un permis de chasse traditionnel. Julien Caquineau a donc désormais l’autorisation de chasser les phoques, les rennes et même les ours polaires selon des quotas.
Conscient de la mauvaise presse qu’a la chasse en Occident, le néo-inuit ne peut s’empêcher de porter la parole de ses confrères : "Souvent ça les énerve que la communauté européenne vote des lois qui nous impactent financièrement alors qu’ils ne connaissent même pas le problème", affirme-t-il, et d’ajouter : "Les gens ont perdu la notion d’où vient la nourriture... Je pense qu’aller chasser le phoque pour se nourrir, c’est quand même moins impactant pour l’environnement que d’aller manger des hamburgers chez Mc Do, où les vaches ont été abattues par milliers."
Aujourd’hui marié et père de trois enfants, l’ancien casse-cou sait combien cette vie dans ce pays de 56000 habitants lui a apporté. "J’étais un peu perdu, un peu prétentieux, l’environnement m’a remis à ma place et c’est ce qui m’a donné envie de rester à l’époque", explique-t-il. Désormais, celui qui est aussi accompagnateur d’expéditions touristiques ou scientifiques, est l’un des meilleurs ambassadeurs de cette contrée lointaine sur laquelle les fantasmes et les idées reçues vont bon train. "Le Groenland ce n’est pas les petits villages, c’est un pays entreprenant où il y a la 4G... C’est un pays très ouvert notamment à l’homosexualité, et où les femmes ont une place importante", insiste-t-il. Installé provisoirement au Danemark (dont le territoire du Groenland fait partie), le temps que sa femme termine les études de géologie, le chasseur se languit de rentrer sur son île immense.
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