Au terme d'un travail d'une ampleur inégalée, le rapport Sauvé, rendu en octobre 2021, qualifiait de "systémiques" les abus sexuels commis au sein de l'Église. Ces révélations stupéfiantes ont suscité parmi les fidèles de nombreux questionnements, notamment sur la place des femmes dans l'institution. En serions-nous là si elles étaient mieux intégrées à sa hiérarchie ?
La mise au jour, ces dernières années, des abus sexuels et spirituels commis par des prêtres, a ouvert des interrogations quant à la structure très masculine de l'Église. "La place de la femme est liée à la question du sacerdoce, qu'on le veuille ou pas, à la question du célibat, à la question de l'ecclésiologie, à la question du pouvoir", assure Marie-Jo Thiel, philosophe et médecin, l'une des premières à avoir sonné l'alarme sur le sujet longtemps étouffé des abus.
Relevant leur caractère systémique, la professeure d'éthique à la faculté théologique de Strasbourg plaide pour une approche globale de la question. "Tous les éléments ecclésiologiques, pastoraux, la question des femmes, la question de l'éthique sexuelle et familiale, sont des questions qui sont liées", insiste-t-elle. "On ne peut pas réformer l'un des points du système sans réformer tous les autres". "Si vous tirez un fil, c'est tout le reste qui arrive", image-t-elle.
"Les femmes n'ont pas le droit de prêcher pendant la messe, puisque c'est une parole autorisée qui doit s'exprimer à ce moment-là", constate Marie-Jo Thiel. Début 2021, toutefois, le pape François a inscrit dans le droit canon la possibilité pour les femmes de lire l'Évangile ainsi que de servir l'autel. La prédication, elle, reste réservée aux prêtres.
Les femmes n'ont pas le droit de prêcher pendant la messe, puisque c'est une parole autorisée qui doit s'exprimer à ce moment-là
La théologienne déplore la réticence de l'Église à déléguer aux femmes un pouvoir réel. "Heureusement qu'elles sont là, car ce sont elles qui maintiennent l'Église, mais malheureusement elles n'ont pas de poste de pouvoir pour la plupart d'entre elles", soupire-t-elle. "Si on se braque, est-ce que ce n'est pas parce que ça permet à des femmes d'approcher de l'autel ?", s'interroge-t-elle.
"Le pape François est un pape qui écoute. Il a fait avancer un certain nombre de causes : l'Église synodale, la nomination de femmes à des postes de responsabilité. Il dit son enthousiasme pour le travail des femmes quand il les place dans un service de la Curie pour prendre des décisions, diriger certaines administrations", salue Marie-Jo Thiel. "En même temps, la question proprement dite des femmes reste un peu un angle mort de son ministère", tempère-t-elle.
Vanté par les uns comme un remède au cléricalisme, considéré par les autres comme un dévoiement du ministère divin, le sacerdoce des femmes fait débat chez les fidèles. Sur cette question inflammable, "il faut ouvrir le débat de façon raisonnable et en intégrant tout le monde", considère l'intellectuelle.
Dans la lettre apostolique Ordinatio Sacerdotalis, Saint Jean-Paul II avait explicitement exclu toute possibilité d'ordonner un jour des femmes. Le pape polonais rappelait que "l'Église n'a en aucune façon la faculté de conférer aux femmes l'ordination sacerdotale, et que cette sentence doit être tenue d'une façon définitive par tous les fidèles de l'Église". En 2018, Mgr Luis Ladaria, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (devenu depuis Dicastère pour la Doctrine de la Foi), soulignait qu'il s'agissait là d'une "vérité appartenant au dépôt de la foi".
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