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La force des témoignages, 80 ans après la Shoah

Un article rédigé par Laura Pierrez, Madeleine Vatel et Melchior Gormand - RCF, le 29 janvier 2025 - Modifié le 30 janvier 2025
Je pense donc j'agis80 ans après la Shoah : écrire l'horreur

À l'occasion des 80 ans de la libération du camp d'Auschwitz, focus sur les écrits des détenus des camps. Comment ont-ils pu écrire au milieu de toute cette horreur ? Comment ces témoignages font-ils échos 80 ans après ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Madeleine Vatel et Melchior Gormand.

© Mémorial de la Shoah© Mémorial de la Shoah

Ce qu'il faut retenir :

  • Lucie Aldelsberger, juive allemande déportée à 28 ans Auschwitz, affectée comme pédiatre à Auschwitz-Birkenau, rescapée. Elle affirme avoir conservé une foi forte en Dieu , mais partage deux épisodes où elle dit s'être révoltée contre Dieu.
  • Elie Wiesel, juif hongrois déporté à 15 ans à Auschwitz III (Monowitz-Buna), rescapé. Il témoigne des discussions autour de la foi qu'ils avaient dans leur bloc, le soir et des Juifs qui ont fêté le nouvel an juif, malgré l'interdiction de se rassembler sur la place de l'appel.
  • Etty Hillesum, juive hollandaise déportée à Auschwitz à 29 ans, elle n'en est jamais revenue. Elle a tenu un journal les deux années qui précèdent sa déportation. Elle a une foi forte en Dieu, mais considère qu'Il ne peut rien pour eux.

L'actualité en janvier 2025 est marquée par les témoignages des derniers survivants du camp d’Auschwitz, 80 ans après sa libération. Les lettres et les témoignages retrouvés sont glaçants, la barbarie des actes est dure à entendre, mais indispensable pour la mémoire de ces crimes. Parfois, ces écrits sont de longs récits, quand ce ne sont pas des romans, structurés, publiés des années après la Seconde Guerre mondiale. Peut-on estimer l’esthétique d’une œuvre littéraire quand c’est l’enfer de la Shoah qui est racontée comme un cri de souffrance ? Quelle place avait la foi dans ces moments d’atrocités ?

L’importance du témoignage des déportés et la place de la foi

Des témoignages poignants écrits sous forme de lettres par des déportés ont été retrouvés depuis la fin de la Shoah. Ces récits historiques témoignent de l’horreur vécue et éclairent ces drames. Mais dans ces instants d'atrocités, il existe plusieurs "moments et types de courriers", explique Karen Taieb responsable des archives au Mémorial de la Shoah. "Il y a les courriers écrits par les juifs internés en France, ceux jetés du train, les correspondances d’Auschwitz et les lettres clandestines", liste l'auteure du livre "je vous écris d'Auschwitz, publié en 2021, aux éditions Tallandier. Ces papiers griffonnés, qui permettent aujourd'hui de reconstruire l’histoire, partageaient à l’époque toutes un but en commun : "rassurer et donner de l’espoir aux familles, c’est ce qui transparaît le plus", souligne-t-elle.

En parlant d’espoir, de quelle manière la foi des déportés et leur espérance ont été ébranlées ? "Je suis très admirative de ceux qui ont toujours gardé la foi. Certains dans les camps ont même jeûné pendant Yom Kippour", témoigne Anne Lemétayer, philosophe qui travaille actuellement à la rédaction d'une thèse sur la question du Mal et de Dieu en philosophie après Auschwitz.

Certains ont perdu leur foi et ont remis en cause l’efficacité de Dieu.

Ce n’est pas le cas de tous les déportés. Au contraire, "certains ont perdu leur foi et ont remis en cause l’efficacité de Dieu", explique Anne Lemétayer, à l'instar de Sali Salomon Malmed. "Interné d’abord à Drancy, il adressait ses courriers de façon officielle et clandestine. Dans ses lettres, sa croyance en Dieu revenait beaucoup, jusqu’au moment où il va être déporté à Auschwitz et va perdre au fur et à mesure sa foi. Ça se ressent dans ses lettres clandestines, ce dont il a été témoin là-bas lui a fait perdre toute espérance. Il en parle intensément", raconte Karen Taieb, également autrice de plusieurs ouvrages dont deux consacrés à la correspondance. Dans les lettres de déportés, "Dieu n'apparaît pas ou très peu, car il n’y a pas la place", explique Karen Teib. En revanche, dans la littérature“, la place de la transcendance est essentielle” pour Yves Stalloni, professeur de littérature française et écrivain.

La naissance d’une nouvelle littérature après la Shoah

Des décennies après la Shoah, de nombreux ouvrages ont paru sur cet évènement qui marque encore aujourd’hui les esprits à travers le monde. Ces écrits sont une manière de garder la mémoire de ceux qui ont subi, de ceux qui ont vécu et de ceux qui y ont laissé leur vie. Mais ils se démarquent de la littérature de témoignages. Ils sont "recomposés, plus réfléchis", explique Yves Stalloni, qui s'est spécialisé dans les récits qui ont suivi la Shoah. "Les écrivains mettent sur papier leur douleur, ils ont l’ambition de laisser une trace dans l’histoire", analyse le professeur. Mais à la différence des témoignages, "il n’y a pas de volonté de montrer de la haine, cette littérature favorise la prise de recul sur ce drame", complète-t-il.

Les écrivains mettent sur papier leur douleur, ils ont l’ambition de laisser une trace dans l’histoire.

Ces récits se singularisent des autres dans le traitement des faits. "Bien entendu, il faut respecter la vérité, mais ce sera une vérité choisie, sélectionnée et bien racontée pour qu’elle soit crédible", précise Yves Stalloni. Par exemple Jorge Semprún parle de l'artifice de l'œuvre d’art. "Ça peut paraître choquant et scandaleux de mettre de l'œuvre d’art dans un sujet qui ne l’est pas, mais c’est comme ça que l’on peut atteindre le lecteur", assure Yves Stalloni.

© RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Je pense donc j'agis
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