Écrivain, voyageur à succès et plusieurs fois primé, Sylvain Tesson entretient depuis toujours une relation intime avec la cathédrale Notre-Dame de Paris. Cinq ans après l'incendie, Claude Aufaure, François Marthouret, Samuel Labarthe et Christophe Barbier lisent les textes où Sylvain Tesson évoque son lien à la cathédrale : les joies vécues adolescent, suspendu à ses gargouilles, et le remède qu’il chercha, convalescent, dans les escaliers de ses tours. Reprenant les mots de Paul Valéry : "Que serions-nous sans le secours de ce qui n’existe pas ?", ce spectacle se joue chaque soir jusqu’au 31 décembre au Théâtre de Poche, fondé par son père, le journaliste Philippe Tesson. Dans cet entretien, l’écrivain ose un droit d’inventaire : Sylvain Tesson n’a pas la foi, mais il revendique l’héritage et célèbre le défi gothique.
Sylvain Tesson rend hommage à Notre-Dame dans un récit inspiré d’un ouvrage dédié à la cathédrale : un hommage aux reines de douleur et aux reines de victoire.
Depuis son adolescence, Sylvain Tesson entretient un lien charnel et physique avec Notre-Dame. "Il y a une quarantaine d’années, je pratiquais l’escalade sportive et industrielle des cathédrales gothiques de tout le nord de l’Europe, et particulièrement de Notre-Dame." Pour escalader la cathédrale, l’écrivain s’inspirait des descriptions de Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris, où Quasimodo gravit la façade. "Sa description n'est d'ailleurs pas très précise sur le plan alpinistique, car Hugo décrit Quasimodo s’aidant des ornementations du gothique, ce que l’alpiniste évite." L’escalade s’appuie sur les lignes de force de la structure architecturale : pilastres, contreforts, arcs-boutants – toutes ces inventions gothiques qui permettent aux cathédrales de s’élever dans les altitudes.
Elle m’a rouvert ses bras. J’ai pu revenir chez elle, en elle, jusqu’à son sommet, pour relever mon corps blessé.
Notre-Dame a également marqué une autre étape cruciale de la vie de Sylvain Tesson : sa rééducation après une grave chute. Il raconte avoir demandé aux Musées nationaux et aux Bâtiments de France l’autorisation de monter dans les tours pour réapprendre à marcher. "Alors que je l'avais parcourue dans ma jeunesse de manière iconoclaste, la cathédrale n’est pas rancunière. C’est l’un des miracles chrétiens : ne pas être rancunier. Elle m’a rouvert ses bras. J’ai pu revenir chez elle, en elle, jusqu’à son sommet, pour relever mon corps blessé."
Sylvain Tesson décrit Notre-Dame comme un "miracle de l’ordre gothique", rendu possible grâce à une innovation technique : l’arc d’ogive. Cette invention a permis de redistribuer les forces architecturales, réduisant l’épaisseur des murs tout en reportant le poids sur l’arc brisé. "C’est ce qui donne à ces cathédrales une impression unique : une légèreté combinée à une puissance et une élévation vertigineuses." Adolescent, Sylvain Tesson se souvient avoir grimpé les flèches avec "vénération pour le miracle gothique et le mystère dans lequel nous entrions." Il compare la cathédrale à une "proposition presque mathématique", conçue pour défier la gravité.
C’est ce qui donne à ces cathédrales une impression unique : une légèreté combinée à une puissance et une élévation vertigineuses.
Les arcs-boutants jouent un rôle clé, compresseurs de forces permettant de hisser l’édifice dans les hauteurs. Sylvain Tesson cite alors Charles Péguy : "Un homme de chez nous a fait ici jaillir, depuis le ras du sol jusqu’au pied de la croix. Jaillir. Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois, la flèche irréprochable et qui ne peut faillir." Pour Sylvain Tesson, il y a une démesure évidente dans l’architecture gothique. "D’un coup, de manière brutale, sans qu’on ait bien mesuré les prémices de cette révolution, les volumes et les croix ont atteint 100 mètres de hauteur." Cette démesure, il la relie à une expression de la force humaine, voire de l’hubris. L’écrivain s’interroge également sur le sens de l’incendie du 15 avril 2019. "Était-ce le symbole d’une folie qui s’empare de notre société ?" Il note toutefois que la restauration de Notre-Dame témoigne de "l’expression d’une certaine révérence envers la transmission, et de la nécessité d’être digne de ce que nous pensons. Ce chantier est devenu un oratoire."
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