Un accord de principe mais un accord quand même. Après plusieurs jours de négociations et dans la foulée des écologistes et des communistes, la France insoumise et le Parti socialiste ont trouvé un terrain d’entente en vue des élections législatives. L’accord doit désormais être voté en interne au PS. De quoi intensifier la fracture au sein du parti.
C’est un accord déjà qualifié d’historique. Adrien Quatennens, coordinateur de la France insoumise parle d’un "accord global, stratégique, programmatique, historique". Il fait partie de ceux qui poussent la référence jusqu’au Front populaire, union de gauche victorieuse aux législatives de 1936 et dont on fêtait l’anniversaire le 3 mai. D’autres y voient plutôt un ultime revers pour le PS et récusent cet accord.
Un accord qui a désormais un nom : "Nouvelle Union populaire écologique et sociale" (NUPES). Fort d’un score de 22 % à l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon et son mouvement ont donc appelé d’autres forces à se joindre à eux aux législatives pour que la gauche devienne majoritaire à l’Assemblée nationale et avec l’ambition de faire du leader insoumis le futur premier ministre. Écologistes et communistes sont parvenus au bout de plusieurs jours à trouver un accord. C’est maintenant au tour des socialistes. Si l’union est adoptée ce lundi soir en interne au PS, le parti pourrait présenter 70 députés aux législatives, contre une centaine pour Europe Ecologie les Verts.
Parmi les points forts du programme : la revalorisation du SMIC à 1400 euros, l’abrogation de la loi travail, portée par la ministre socialiste Myriam El Khomri sous François Hollande, la VIème république mais aussi la possibilité de désobéir à l’Union européenne. C’est un point particulièrement clivant entre la France insoumise et le PS qui s’illustre par une précision lexicale : "Nous parlons de désobéir pour les uns, de déroger de manière transitoire pour les autres", peut-on lire dans le communiqué. Il y a aussi la retraite à 60 ans, mesure portée par la France insoumise à laquelle le PS, qui proposait un départ à la retraite à 62 ans, a fait ajouter la mention "avec une attention particulière aux carrières longues, discontinues et aux métiers pénibles".
Beaucoup de compromis côté socialistes. Mais au bout du compte, la coalition portera-t-elle ses fruits ? "Ça va mécaniquement qualifier davantage de candidats au deuxième tour. Ça ne veut pas dire qu'ils font forcément gagner dans leurs circos. Ce qu'on ne sait pas très bien c'est comment vont réagir des électeurs socialistes à qui on explique depuis 30 ans que la gauche au pouvoir doit faire attention au déficit public alors que là on est dans un tout autre programme", explique Bruno Cautrès, politologue et chercheur au CEVIPOF, le centre de recherches politiques de Sciences Po.
Et il n’y a pas que chez les électeurs que l’accord peut diviser. C’est déjà le cas en interne au PS. Dernier exemple en date : Bernard Cazeneuve, Premier ministre sous François Hollande a annoncé mercredi qu’il quittait le parti. D’autres ténors socialistes comme son ancien premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis ou Stéphane le Foll et même l’ancien président François Hollande fustigent cet accord. "C'est une absorption pure et simple. Le communiqué commun du PS et de LFI n'est qu'un copier-coller de médiocre qualité du programme de l'Union populaire. Je ne vois pas une seule trace d'un projet du Parti socialiste. Où est l'universalisme ? Nous portons une gauche de rassemblement, pas cette gauche de la radicalité", s'indigne François Kalfon, membre du bureau national du PS et conseiller régional d'Île-de-France, qui s’opposera ce soir à cet accord.
Ces dissensions donnent l’image de deux gauches qui s’affrontent. "Certains jeunes cadres des Verts, du Parti socialiste et du Parti communiste sont en train de brader une culture de gouvernement. Si la gauche veut se reconstruire, il faudra qu'elle le fasse à partir de ses forces centrales et pas sous la pression d'une France insoumise extrêmement dominatrice", analyse le politologue Pascal Perrineau.
Par ailleurs les discussions se poursuivent entre la France insoumise et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). Le parti de Philippe Poutou regrette ce rapprochement avec le Parti socialiste.
Il faut dire que le parti n’était déjà pas en grande forme depuis la lourde défaite de leur candidate Anne Hidalgo à la présidentielle qui a obtenu 1,74 % à l'élection présidentielle. "Quand vous faites 1,74 %, il faut se poser des questions sur son propre avenir. Il faut incarner la gauche de gouvernement dans une forme radicalement différente. L'anomalie est du côté de ceux qui ont vendu pour une poignée de circonscriptions fictives notre identité", estime François Kalfon.
La coalition met en tout cas au jour d’importantes fractures idéologiques, pas forcément dues aux différentes générations, selon Bruno Cautrès. "C'est quand même le parti dont sont issus Didier Migaud, ancien président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici, l'actuel président de la Cour des Comptes et je n'ai pas souvenir que les deux aient expliqué qu'on pouvait faire 'open bar' sur les dépenses publiques. C'est la fin de ce PS qui a incarné une forme de compromis entre la justice sociale et les réalités budgétaires", analyse le politologue.
Le Conseil national du parti socialiste se réunit donc jeudi soir pour finaliser l’accord. Certains candidats aux législatives n’excluent pas de porter une candidature dissidente.
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