Face à des menaces communes, l’Europe cherche à faire front commun. L’EDIP, le programme européen d’investissement dans le domaine de la défense, ambitionne de réorganiser la production d’armements pour les décennies à venir. Il permet aux responsables politiques de mieux se préparer à d’éventuelles guerres. Mais ce programme rencontre beaucoup de difficultés à se mettre en place. La première chose pour les États membres est de se mettre d’accord. Pour nous aider à mieux comprendre l'enjeu de la défense européenne, Gésine Weber, chercheuse au think tank German Marshall Fund of the United States, apporte son éclairage.
Un Conseil européen a lieu jeudi 19 décembre à Bruxelles. Les leaders du vieux continent doivent évoquer le rôle géopolitique de l'Union européenne dans la guerre en Ukraine et la situation au Moyen-Orient. Les désaccords et les soubresauts que connaissent les négociations indiquent la fragilité de l'Union dans le domaine d'une politique et d'une défense communes.
Les Européens ont, au cours des dernières décennies, systématiquement négligé les investissements structurels et la construction industrielle européenne, explique Gésine Weber. La chercheuse souligne que l'EDIP a pour objectif de combler ces lacunes et de créer un fonds pour la défense européenne. "Actuellement, on a des bases nationales pour le développement technologique de la défense, mais il faut aussi réfléchir à un développement d'une base européenne. C'est cela l'objectif du programme."
C'est une menace qu'il faut prendre au sérieux et c'est maintenant qu'il faut vraiment se préparer à ce scénario.
La plupart des pays membres de l'Union européenne produisent, créent et développent leur propre système de défense, poursuit Gésine Weber. Cela entraîne l'existence d'une multitude de systèmes de défense différents au sein de l'Union européenne. "Cela pose des problèmes d'interopérabilité. Vous pouvez avoir des armes françaises qui ne fonctionnent pas très bien avec des armes allemandes, pour vraiment simplifier." Dans un contexte où plusieurs services secrets des pays membres mettent en garde contre une potentielle attaque russe dans les années à venir, le développement d'une politique de défense à l'échelle européenne devient central. "C'est une menace qu'il faut prendre au sérieux et c'est maintenant qu'il faut vraiment se préparer à ce scénario", prévient la chercheuse.
Le développement de cette coopération soulève un enjeu financier. Certains États souhaitent bénéficier des fonds qui seront mobilisés, explique Gésine Weber. "Quand vous avez, par exemple, un pays comme la France, qui bénéficie de sa base industrielle qui existe déjà, là où d'autres pays européens n'en ont pas." Le second enjeu est le choix du système qui sera adopté parmi la multitude de ceux qui existent au sein des pays de l'Union européenne. "Pour véritablement rendre cette base industrielle européenne très efficace, il faudra peut-être décider quels systèmes seront encore produits à l'avenir."
Plus de 70 % de tous les systèmes de défense européens ne sont pas d'origine européenne. Parmi ces systèmes, plus de 60 % sont d'origine américaine.
L'enjeu primordial mis en avant par Gésine Weber est la souveraineté européenne, notamment vis-à-vis des technologies américaines. "Plus de 70 % de tous les systèmes de défense européens ne sont pas d'origine européenne. Parmi ces systèmes, plus de 60 % sont d'origine américaine." Il y a une dépendance stratégique et une certaine vulnérabilité vis-à-vis des États-Unis, explique la chercheuse. "Il faut se lancer plus tôt que tard et au moins essayer de réduire ces dépendances externes au profit d'une véritable industrie de défense européenne."
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