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75 ans de l'OTAN : l'alliance peut-elle restée unie ?

RCF, le 4 avril 2024 - Modifié le 4 avril 2024
Pour bien comprendrePour bien comprendre... Les 75 ans de l'OTAN

L'Otan a fêté ses 75 ans ce jeudi 4 avril, inquiète du maintien de son unité et de la guerre en Ukraine. Sa situation est paradoxale, car la situation géopolitique mondiale a permis à l’Alliance Atlantique de reprendre des couleurs, mais dans le même temps, elle est confrontée à des défis et à des perspectives existentielles. 

 Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg / Photographie de Valeria Mongelli by Hans Lucas. Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg / Photographie de Valeria Mongelli by Hans Lucas.

L’Otan n’est plus en état de mort cérébrale, comme a pu l’affirmer Emmanuel Macron en 2019. Née le 4 avril 1949, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord est "plus grande, plus forte et plus unie que jamais", s'est félicité son secrétaire général Jens Stoltenberg le 4 avril, lors d'une cérémonie marquant cet anniversaire au siège de l'Otan. 

Une Alliance refuge ? 

“L’Otan est renforcée parce qu'on s'aperçoit que l'Alliance est plus que jamais indispensable” affirme Nicolas Tenzer, géopolitologue et professeur à Sciences Po et auteur de “Notre guerre”. C’est bien sûr l’un des effets de la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie en février 2022. “Elle est de plus en plus attractive pour les pays qui se sentent menacés, principalement par la Russie, comme on l'a vu avec les adhésions récentes des 31e et 32e États, la Finlande et la Suède, qui étaient jusqu’ici des pays neutres”

Dans ce cadre, il est intéressant de rappeler que l’Otan a été fondé par 12 pays d'Europe et d'Amérique du Nord, pour contrer la menace soviétique dans le contexte du début de la Guerre froide. “De manière un peu précipitée, certains pays avaient dit qu'après la chute du mur de Berlin [1989], l'alliance ne servait plus à grand-chose, mais ils se sont aperçus qu'il y avait toujours un pays menaçant à proximité, la Russie, et qu'il fallait donc s'en protéger” explique Nicolas Tenzer. Par rapport à 1949, l’Alliance compte d’ailleurs 20 membres de plus. 

La force de l’article 5 

La force et l’attrait de l’Otan reposent principalement sur son mécanisme de protection, lui-même basé sur l’article 5. Il oblige chacun de ses membres à intervenir en cas d'attaque contre l'un d'entre eux. Il n'a été utilisé qu'une seule fois dans toute l'histoire de l'Otan, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis. Le déclenchement de cet article considéré comme le pilier de l'Otan a surtout été décidé pour montrer la solidarité des Alliés à l'égard des Etats-Unis, sans réelle conséquence militaire immédiate.

Photographie de Valeria Mongelli / Hans Lucas.

Il conduira néanmoins l'Alliance à intervenir en Afghanistan où elle mobilisera jusqu'à 100.000 troupes sur le terrain avant un retrait catastrophique en août 2021. “Vous n'avez pas d'autres systèmes d'alliance qui offrent autant de garanties” assure Nicolas Tenzer. “C'est une protection absolument extraordinaire” selon le géopolitologue. 

L’Otan a beau être l'alliance militaire la plus importante du monde, son champ de dissuasion reste limité. “Dès qu'on quitte la zone des pays de l'OTAN, on s’aperçoit que lorsqu’un acteur menaçant, criminel, comme la Russie, attaque un pays voisin avec des conséquences sur les pays de l'alliance, cette dernière reste un peu paralysée” souligne notre chercheur. “L’OTAN est-elle si solide que cela ?” interroge-t-il, invoquant, “un certain nombre de chevaux de Troie au sein de l’alliance, notamment la Hongrie et la Slovaquie” et le risque d’un possible retour de Donald Trump à la Maison Blanche. 

La perspective Trump 

La perspective d'un retour à la Maison Blanche de l'ancien président Donald Trump lors de l'élection présidentielle de novembre inquiète les Alliés européens, qui redoutent un désengagement américain en Europe et un arrêt du soutien des Etats-Unis à l'Ukraine en guerre. “Trump est imprévisible, ce qui n'est jamais bon sur la scène internationale” analyse Nicolas Tenzer. “Si l'Estonie ou la Lituanie ou la République Tchèque sont attaqués par la Russie, ce qui est malheureusement une possibilité assez forte, on ne sait pas très bien ce qu'il ferait” s’inquiète-t-il, “au-delà de la menace nucléaire, est-ce qu'il enverrait des troupes américaines défendre ces pays ?”

Le patron de l’Otan, Jens Stoltenberg, a rappelé jeudi la nécessité "essentielle" d'un meilleur "partage du fardeau" entre Européens et Américains, ces derniers contribuant à plus de 70 % actuellement aux ressources de l'Alliance.

Aujourd'hui, l'Europe ne peut pas remplacer les États-Unis en termes de sécurité

La France, l'Allemagne et la Pologne ont de leur côté suggéré mercredi dans une déclaration commune que l'ensemble des pays de l'Otan s'engagent à consacrer 2 % de leur PIB à des dépenses militaires. Seuls une vingtaine remplissent actuellement cet objectif, que tous avaient pourtant entériné il y a dix ans. “Aujourd'hui, l'Europe ne peut pas remplacer les États-Unis en termes de sécurité, tout simplement pour des raisons de moyens et de taille des armées” affirme l’auteur de “Notre Guerre”. Il faut néanmoins que l'Europe se réarme de manière massive. Les chancelleries occidentales en prennent doucement conscience, poussées notamment par Emmanuel Macron. 

Guerre en Ukraine, guerre pour la survie de l’Otan ? 

Ces inquiétudes se matérialisent sur fond de guerre en Ukraine alors que Kiev est en difficulté après deux ans de résistance face aux assauts russes. Jens Stoltenberg n'a pas caché son inquiétude quant à la situation sur le front en Ukraine. Il a demandé aux Alliés de rapidement répondre aux "besoins urgents" de ce pays en munitions, artillerie et surtout en moyens de défense antiaérienne.

Cette guerre pourrait être la plus grande des batailles pour l'Otan

Face à cette situation, le patron de l’Alliance préconise un engagement "prévisible" et "à long terme" des Alliés en faveur de l'Ukraine. Il a évoqué la constitution d'un fonds de 100 milliards d'euros sur cinq ans pour stabiliser cet engagement, un chiffre accueilli avec scepticisme par certains d'entre eux, dont l'Allemagne.

Cette guerre, "malheureusement, pourrait être la plus grande des batailles pour l'Otan", a déclaré à cette occasion le chef de la diplomatie lituanienne Gabrielius Landsbergis. "Nous devons être préparés à cela", car sinon, "ce serait la plus grosse erreur que nous puissions jamais faire", a-t-il averti.

“C'est notre guerre, soit nous la gagnons totalement, soit, nous faiblissons et nous n'arrivons pas à défaire la Russie en Ukraine sur le plan militaire et nous serons les prochains sur la liste assène Nicolas Tenzer. “C'est véritablement existentiel pour nous” conclut-il. 

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