La mort d'Alexeï Navalny, opposant russe, a mis en lumière l'extrême tension dans laquelle se trouvent ceux qui critiquent le pouvoir russe. Deux ans après le début de la guerre en Ukraine le 20 février 2022, les opposants sont écrasés. Qui aujourd'hui peut résister et comment ? Et que nous dit l'Histoire de cet empire qui n'en est pas à ses premières oppressions ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Madeleine Vatel et Melchior Gormand.
Quelle opposition est aujourd’hui possible en Russie face à un président que rien ne semble arrêter ? Au cœur de la Russie, la résistance commence aujourd'hui par les mots. C'est ce qu'a compris à ses dépens Oleg Orlof, figure historique de la défense des droits de l’homme. Après avoir défendu la liberté d’expression jusqu’au bout, il est désormais en prison.
Avant d’être menotté, ses derniers mots ont été pour dénoncer le contrôle de l'État russe sur la société : “Je suis jugé pour un article dans lequel j’ai qualifié le régime politique établi en Russie de totalitaire et de fasciste. Certains pensaient que j’exagérais. Aujourd’hui, il est évident que je n’exagérais pas. L’État contrôle à nouveau non seulement la vie sociale, politique et économique, mais revendique un contrôle total sur la culture, la pensée scientifique, envahit la vie privée. »
Oleg Orlov est incarcéré pour deux ans et demi. Il a rejoint ceux qui, avant lui, ont critiqué l’action de l’armée russe en Ukraine. Ils sont accusés de n’avoir pas respecté les lois de censure militaire : la journaliste Maria Ponomarenko condamnée à 6 ans de prison, Alexeï Gorinov, élu municipal russe, condamné à sept ans de prison , Vladimir Kara-Mourza lui purge une peine de 25 ans de prison pour "trahison", Ilia Iachine, a quant à elle été condamnée à huit ans et demi de colonie pénitentiaire.
Tous ont dénoncé le conflit avec l’Ukraine, que nous pouvons nommer “guerre” en France, et qui s’appelle en Russie une “opération spéciale”. Dernier en date, connu depuis plus longtemps pour son opposition à Vladimir Poutine, via des mobilisations et des enquêtes sur la corruption, le Russe Alexeï Navalny, retrouvé mort en prison.
Pourquoi cette importance à dire le conflit ? Pour Aglaé Achechova, chargée de collections pour le domaine russe de la Bibliothèque universitaire des langues et civilisation, trésorière de la Bibliothèque russe Tourgueniev et membre du Mémorial-France, dire les bons mots, c'est à la fois informer et combattre. Elle explique combien une propagande efficace étouffe la réalité. "Il y a de nombreux Russes qui ignorent qu’ils sont en guerre. Le pays fait tout ce qui est possible pour maintenir l’illusion que tout va bien. Si les habitants de Moscou ne font pas l’effort d’aller chercher l’information par eux-mêmes, ils ne sauraient probablement pas tout ce qu’il se passe dans leur pays."
Il y a de nombreux Russes qui ignorent qu’ils sont en guerre.
Il faut dire que depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les communiqués russes n’ont cessé de parler du sol ukrainien comme d’un territoire leur appartenant légitimement, quitte à réécrire l'histoire. Elle explique ainsi que l’Ukraine a longtemps été une épine dans le pied de la Russie, notamment lors des conflits gaziers entre les deux États. Cependant, ces conflits n’avaient jamais déclenché une crise internationale, contrairement à l’annexion de la Crimée en 2014 par l’État russe.
Ce qui devait à l’origine n’être "qu’une opération spéciale de quelques semaines à quelques mois", des mots de Vladimir Poutine lui-même, s’est transformé en une véritable guerre où le front semble enlisé. Pourtant, côté russe, le discours reste le même: la Russie gagnera malgré la résistance ukrainienne et le soutien de l’occident.
Côté occident, les revers et défaites russes semblent rapidement s’oublier. Peu se souviennent encore de la rébellion du groupe Wagner contre Moscou, datant pourtant de l’année dernière. Pourtant, pour François-Xavier Nérard, maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et spécialiste d’histoire russe et soviétique, la vigilance sur les faits historiques est plus que vitale : "Poutine dit que les Russes n’ont jamais perdu de guerre. Pourtant, comme toutes les nations du monde, ils ont déjà perdu plusieurs guerres. Ce qui importe est que, historiquement, ils ne prennent pas en compte les pertes humaines".
Cela fait désormais deux années entières que l’Ukraine et la Russie se livrent à une guerre. Le jeudi 14 mars à 20h, Emmanuel Macron s’est exprimé sur sa volonté d’empêcher la Russie de remporter cette guerre, jouant sur l’aspect flou des actions qu’il pourrait prendre.
Poutine dit que les Russes n’ont jamais perdu de guerre. Pourtant, comme toutes les nations du monde, ils ont déjà perdu plusieurs guerres.
Au-delà des discours politiques, les risques de voir l’OTAN rejoindre les hostilités demeurent très faibles. L’OTAN est, certes, une alliance militaire mais son rôle se limite à la défense. Si l’un de ses membres était le premier à ouvrir les hostilités, le reste de l’alliance ne serait nullement tenu de rejoindre le combat.
Boris Laurent, historien auteur du livre Histoire de l'armée russe des tsars à Poutine, 1917-2024, considère qu’il n’y aurait pas de moyen véritable de stopper les affrontements en Ukraine par de simples menaces : "Je ne pense pas que l’on peut pousser Poutine à arrêter la guerre tant qu’il n’aura pas ce qu’il veut. Si l’on oublie les pertes, tout se passe comme il le voulait".
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
Intervenez en direct au 04 72 38 20 23, dans le groupe Facebook Je pense donc j'agis ou écrivez à direct@rcf.fr
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