L'heure n'est plus aux traitements de faveur. La semaine dernière, le pape a annoncé la fin de l'avantage immobilier dont jouissaient jusqu'alors les cardinaux. L'évêque de Rome poursuit son ambition d'assainir les finances du Vatican, marqueur de son pontificat, dont on fêtera dans trois jours les dix ans.
Dans l'histoire des liaisons embarrassantes entre religion et banditisme en Italie, l'unification de 1871 est une date majeure. Sous l'impulsion de Pie IX, nombre de prêtres se détournent alors du pouvoir politique au profit d'autres figures d'autorité, dont les mafias naissantes. Peu à peu, le Vatican est gagné par le soufre et la corruption. "C'est culturel, et c'est aussi lié à l'Italie parce que le Vatican est enclavé dans l'Italie", explique François de Labarre, grand reporter à Paris Match et auteur d'une vaste enquête au cœur du Saint-Siège*. "Il y a beaucoup de cash, il y a beaucoup d'actions occultes qui sont financées de façon clandestine", ajoute-t-il.
Ces dernières décennies, les efforts de l'État italien pour tenter d'endiguer le phénomène n'ont pas été vains. La Banque d'Italie a "exigé que toutes les banques internationales cessent de travailler avec le Vatican, explique-t-il, ce qui fait qu'au 1er janvier 2013 vous ne pouviez pas retirer de l'argent au Vatican ni payer avec une carte bleue. C'était une punition".
En parallèle de ce serrage de vis financier, l'élection de François en 2013 a marqué une intensification de la lutte contre la corruption vaticane. "Ce qui est sûr, c'est qu'en dix années de guerre, le pape François s'est attiré beaucoup d'ennemis", glisse François de Labarre. Le pontife argentin s'est "mis à dos toute une grande partie de la curie romaine c'est-à-dire le gouvernement de l'église du Vatican qui suit ses propres règles depuis des décennies voire des siècles et qui a trouvé avec le Pape François le premier souverain pontife à s'opposer véritablement à leur propre système", décode-t-il. "Il faut rendre hommage à son action".
Beaucoup reste à faire mais, à titre d'exemple, l'Institut pour les œuvres religieuses (IOR) a pris depuis dix ans un tournant encourageant. La banque du Vatican est "complètement dans les clous" depuis que le financier français Jean-Baptiste de Franssu a été placé à sa tête par François, en 2014. Son prédécesseur était un banquier italien à la gestion douteuse. "Ettore Gotti Tedeschi n'a jamais voulu savoir qui étaient les détenteurs des comptes, pour se protéger lui-même", fustige le journaliste.
"Le premier problème c'est l'incompétence", juge François de Labarre. Selon lui, la rigueur comptable ne passionne pas les responsables vaticans. Une désinvolture coupable, certes, mais pas une "volonté de faire du mal ou de cacher des choses". Les "personnes en charge des finances sont victimes de groupes mafieux, ou pas forcément mafieux, mais de groupes de personnes qui veulent tirer profit du système très particulier financier du Vatican", considère-t-il, dénonçant "la corruption de ceux qui sont autour de cette espèce de groupe de personnes qu'on appelle ‘faccendiere' en italien".
Comprendre : "les intermédiaires qui portaient des valises de cash pendant les années 80 pour pour soutenir Solidarnosc, et qui qui continuent encore aujourd'hui à tirer profit de de l'incompétence des acteurs clés de la finance du Vatican".
Mal administré quoiqu'en voie d'amélioration, le Vatican attire les convoitises improbes. "C'est un petit pays pour des grands délits et pour des grands réseaux", résume François de Labarre.
* François de Labarre, Vatican offshore - l'argent noir de l'Eglise, Albin Michel, 20,90 euros.
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