Deux jours après la fin de la Coupe du monde de football, le Qatar semble avoir réussi son pari d'organiser une telle compétition, malgré les scandales concernant les violations des droits humains et les enjeux environnementaux. Le football a finalement pris le dessus.
Dimanche après-midi, il y avait en moyenne un peu plus de 24 millions de personnes devant TF1 pour regarder la finale du Mondial, entre la France et l'Argentine. C'est tout simplement la meilleure audience de tous les temps pour une chaîne française. Autant dire que les appels au boycott de la compétition semblent bien loin. Rien de surprenant aux yeux de Jean-Baptiste Guéguan. "Le sport domine, à partir du moment où il commence, toutes les questions autour du sport, analyse ce géopolitologue du sport. Le Qatar a réussi à surmonter des problèmes qu'on pensait difficiles à surmonter, notamment sur la gestion des supporters. Les critiques demeurent et restent fondées. Mais elles sont passées au second plan."
Il y a eu tout de même eu quelques couacs : des stades très peu remplis lors des premiers matches, l'obstination des forces de sécurité à empêcher les supporters de porter les couleurs arc-en-ciel du drapeau LGBT+... Mais au final, le Qatar sort plutôt victorieux en tant qu'organisateur d’un mondial très décrié au départ, pour les 6500 morts sur les chantiers des stades, les ouvriers mal-logés, sous-payés, les conséquences environnementales d'une telle compétition avec des stades construits dans le désert pour l’occasion.
Des scandales qui n'ont pas fait varier le président de la FIFA, Gianni Infantino, qui parle de la "meilleure Coupe du monde de tous les temps". Inaudible pour Jean-Claude Samouiller, le président d’Amnesty International France. "Comment peut-on dire que c’est la meilleure organisation de Coupe du monde alors qu’il y a eu des milliers de morts pour l’organiser ?, s'emporte le représentant de l'ONG. C'est vraiment un déni total des conditions d'organisation de cette Coupe du monde. On ne peut pas tolérer de faire abstraction de toute cette souffrance, cette détresse... On ne peut pas entendre ça."
La déception de Jean-Claude Samouiller est d'autant plus grande que la FIFA n'a pas créé de fonds d'indemnisation pour les ouvriers non-payés et pour les familles de ceux qui sont morts sur les chantiers, ce que demandait l'ONG. Elle regrette aussi l'absence de prise de position des décideurs politiques comme Emmanuel Macron, qui a même salué "la bonne organisation" de cette compétition.
Durant ce Mondial, un autre scandale est venu éclabousser un peu plus le Qatar. Une affaire de de corruption entre le Qatar et des députés européens qui fait l'objet d'une enquête. Eva Kaili, eurodéputée grecque et vice-présidente du parlement européen a été incarcérée après que des sacs de billets ont été retrouvés chez elle. Le Qatar est soupçonné d’influencer les décisions du Parlement européen avec de grosses sommes d’argent.
Mais il semblerait que ça ait fait beaucoup plus de bruit côté parlement européen qu'à Doha. "Vu du Qatar, on sait qu'on est incontournable, analyse Christian Chesnot, journaliste à Radio France et spécialiste du Moyen-Orient. Le Qatar se dit sûrement qu'il a été pris la main dans le sac. Mais le pays est immensément riche, le mondial est un succès. Et puis, il a fait une croix sur le fait de gagner le cœur et l'esprit des opinions publiques européennes, ce qu’il vise ce sont les décideurs."
Le monde occidental s'est offusqué des violations des droits humains. Mais pour les pays arabes, l'organisation de ce Mondial est une réussite. "Tout le monde ne pense comme l'Europe ou l'Amérique du Nord. Il y a une vraie différence d'approche quand on est Occidental et a fortiori un Européen du Nord, on est beaucoup plus sensible aux droits humains alors que dans d’autres pays, la priorité est autre", affirme Jean-Baptiste Guégan.
La compétition aura néanmoins permis de mettre certains sujets sur le devant de la scène. C'est une petite satisfaction tout de même pour le président d'Amnesty International France. Certains estiment aussi que le Qatar a évolué en modifiant son droit du travail. Mais pas assez aux yeux de Jean-Claude Samouiller. "Il y a une avancée de la législation au Qatar, l'instauration d’un salaire minimum, mais ça ne concerne que très peu de travailleurs. Et puis encore une fois il y a eu des milliers de morts, des salaires qui n’ont pas été payés et vraisemblablement ces personnes ne seront pas indemnisées."
Un Mondial très suivi mais durant lequel la FIFA a semblé hermétique aux revendications et aux exigences extérieures. Elle a agi en "agent du conservatisme", estime Jean-Baptiste Guégan alors qu’elle aurait pu être "actrice du changement" en prenant position ou en faisant évoluer ses critères d’attribution pour les futures compétitions. Les regards se tournent à présent vers le Mondial 2026. Une édition élargie, organisée par les Etats-Unis, le Canada et le Mexique.
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