JavaScript is required

Nouvelle Calédonie : "En quelques jours l'État a mis à mal près de 30 ans de paix" selon l'anthropologue Isabelle Leblic

Un article rédigé par Margot Maignet - RCF, le 22 mai 2024 - Modifié le 22 mai 2024
L'Invité de la MatinaleNouvelle Calédonie : "En quelques jours l'État a mis à mal près de 30 ans de paix" selon l'anthropologue Isabelle Leblic

Emmanuel Macron en visite en Nouvelle-Calédonie. Accompagné par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin, le ministre des armées Sébastien Lecornu et la ministre déléguée aux outre-mer Marie Guévenoux, le Président de la République va installer une mission de dialogue sur place après une semaine de violence inédite dans l’archipel. Isabelle Leblic, anthropologue au CNRS spécialiste des sociétés kanak évoque sur RCF les origines de la crise et quelques pistes pour en sortir. 

Barrage  sur la route de Nouméa  ©Theo Rouby / Hans LucasBarrage sur la route de Nouméa ©Theo Rouby / Hans Lucas

Alors que la Nouvelle-Calédonie sombre dans la crise, Isabelle Leblic, spécialiste des sociétés Kanak explique : "le peuple autochtone veut être reconnu en tant que tel sur son territoire, on ne peut pas continuer à le minoriser dans son propre pays en intégrant dans le corps électoral des personnes arrivées trop récemment”. 

En Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Macron souhaite installer une mission de dialogue. Pour Isabelle Leblic, la seule chose qui puisse calmer les émeutiers, serait le retrait du projet constitutionnel et un renoncement à convoquer le congrès de Versailles comme annoncé.

Les origines de la crise 

L’adoption à l'Assemblée le 15 mai du projet de loi constitutionnelle élargissant le corps électoral, a mis le feu aux poudres. Mais pour Isabelle Leblic, ces crispations remontent au dernier référendum de 2021 en pleine période de covid. Les Kanak et les indépendantistes n’y ont pas participé. ”À la suite de ça le président a annoncé sur toutes les ondes que c’était une grande victoire pour la France, que la Calédonie ait choisi de rester française, explique Isabelle Leblic, ce qui est complètement faux, car seule une partie de la population s’est exprimée.” 

La prise de position du président Macron à la suite du référendum est une déclaration du parti-pris du gouvernement français pour la Calédonie Française, alors que depuis l'accord de Nouméa, l’Etat était toujours resté dans une position d’impartialité, dont il est sorti en 2021

Pour bien comprendrePour bien comprendre... Les origines de la crise en Nouvelle-Calédonie

Prendre le temps du dialogue 

Pour Isabel Leblic, il faut “donner du temps à la discussion”. Elle explique qu’en Calédonie, la notion de temps est centrale : “Il faut laisser le temps aux gens de parler, d'échanger, de se mettre d’accord et c’est toujours très long. Tous les prédécesseurs en charge du dossier l'ont dit, il faut laisser le temps.”

VisagesRoger Boulay, l'ethnologue ami des Kanak

Une décolonisation ? 

Isabelle Leblic décrit en Calédonie une population fracturée : “La société kanak est plus pauvre et exclue, les autres sont plus aisés : ils ont les emplois et les entreprises”. La chercheuse se prononce en faveur d’un rééquilibrage, prévu par l’accord de Nouméa : “un rééquilibrage qui ne s’est pas fait et qui pourra se faire seulement après la décolonisation”. 
En effet, elle estime que sans “décoloniser", il est difficile de rétablir l'équilibre. En cause selon elle : “les entreprises qui préfèrent continuer à embaucher des métropolitains plutôt que des personnes locales parce qu’ils considèrent que l’emploi local n’est pas fiable”. Elle justifie ce fonctionnement par un “racisme ambiant envers les Kanaks depuis toujours”. Pour elle, “pour qu’il y ait décolonisation, il doit y avoir indépendance”. 

Selon Isabelle Leblic, la crise ne débouchera pas sur une “deuxième guerre d’Algérie”. "La population kanak n'est pas du tout dans la même position que la population algérienne de l’époque, puisque cette dernière était majoritaire dans son pays, ce qui n’est pas le cas ici". 

Je suis profondément attristée qu’on en soit arrivé là, qu’il y ait des morts de part et d'autre, que l’obstination de l’état français ait mis le feu aux poudres en Nouvelle-Calédonie. Je suis profondément triste pour ce pays déjà en difficulté économique, qui se retrouve très meurtri. C'est tout à fait dommageable, mais on peut comprendre cette révolte. 

Aujourd'hui pour aimerUnis à la Nouvelle Calédonie
Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.

RCF
toujours dans
ma poche !
Téléchargez l'app RCF
Google PlayApp Store
logo RCFv2.14.0 (21796db) - ©2024 RCF Radio. Tous droits réservés. Images non libres de droits.