Emmanuel Macron en visite en Nouvelle-Calédonie. Accompagné par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin, le ministre des armées Sébastien Lecornu et la ministre déléguée aux outre-mer Marie Guévenoux, le Président de la République va installer une mission de dialogue sur place après une semaine de violence inédite dans l’archipel. Isabelle Leblic, anthropologue au CNRS spécialiste des sociétés kanak évoque sur RCF les origines de la crise et quelques pistes pour en sortir.
Alors que la Nouvelle-Calédonie sombre dans la crise, Isabelle Leblic, spécialiste des sociétés Kanak explique : "le peuple autochtone veut être reconnu en tant que tel sur son territoire, on ne peut pas continuer à le minoriser dans son propre pays en intégrant dans le corps électoral des personnes arrivées trop récemment”.
En Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Macron souhaite installer une mission de dialogue. Pour Isabelle Leblic, la seule chose qui puisse calmer les émeutiers, serait le retrait du projet constitutionnel et un renoncement à convoquer le congrès de Versailles comme annoncé.
L’adoption à l'Assemblée le 15 mai du projet de loi constitutionnelle élargissant le corps électoral, a mis le feu aux poudres. Mais pour Isabelle Leblic, ces crispations remontent au dernier référendum de 2021 en pleine période de covid. Les Kanak et les indépendantistes n’y ont pas participé. ”À la suite de ça le président a annoncé sur toutes les ondes que c’était une grande victoire pour la France, que la Calédonie ait choisi de rester française, explique Isabelle Leblic, ce qui est complètement faux, car seule une partie de la population s’est exprimée.”
La prise de position du président Macron à la suite du référendum est une déclaration du parti-pris du gouvernement français pour la Calédonie Française, alors que depuis l'accord de Nouméa, l’Etat était toujours resté dans une position d’impartialité, dont il est sorti en 2021
Pour Isabel Leblic, il faut “donner du temps à la discussion”. Elle explique qu’en Calédonie, la notion de temps est centrale : “Il faut laisser le temps aux gens de parler, d'échanger, de se mettre d’accord et c’est toujours très long. Tous les prédécesseurs en charge du dossier l'ont dit, il faut laisser le temps.”
Isabelle Leblic décrit en Calédonie une population fracturée : “La société kanak est plus pauvre et exclue, les autres sont plus aisés : ils ont les emplois et les entreprises”. La chercheuse se prononce en faveur d’un rééquilibrage, prévu par l’accord de Nouméa : “un rééquilibrage qui ne s’est pas fait et qui pourra se faire seulement après la décolonisation”.
En effet, elle estime que sans “décoloniser", il est difficile de rétablir l'équilibre. En cause selon elle : “les entreprises qui préfèrent continuer à embaucher des métropolitains plutôt que des personnes locales parce qu’ils considèrent que l’emploi local n’est pas fiable”. Elle justifie ce fonctionnement par un “racisme ambiant envers les Kanaks depuis toujours”. Pour elle, “pour qu’il y ait décolonisation, il doit y avoir indépendance”.
Selon Isabelle Leblic, la crise ne débouchera pas sur une “deuxième guerre d’Algérie”. "La population kanak n'est pas du tout dans la même position que la population algérienne de l’époque, puisque cette dernière était majoritaire dans son pays, ce qui n’est pas le cas ici".
Je suis profondément attristée qu’on en soit arrivé là, qu’il y ait des morts de part et d'autre, que l’obstination de l’état français ait mis le feu aux poudres en Nouvelle-Calédonie. Je suis profondément triste pour ce pays déjà en difficulté économique, qui se retrouve très meurtri. C'est tout à fait dommageable, mais on peut comprendre cette révolte.
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