« Pardon ? » : le théâtre pour libérer la parole sur la pédophilie dans l’Église

Un article rédigé par Bénédicte Buisson - RCF Calvados-Manche, le 30 août 2024 - Modifié le 6 septembre 2024
En dialogue avec le monde"Pardon ?" : une pièce de théâtre sur les conséquences de la pédophilie

Comment construire sa vie d’adulte après avoir été victime, enfant, d’abus sexuels de la part d’un prêtre ? C’est le thème de la pièce autobiographique Pardon, qui sera jouée dans la Manche du 4 au 6 septembre.

4 acteurs dont Laurent Martinez jouent sur scène ©La compagnie Authentique4 acteurs dont Laurent Martinez jouent sur scène ©La compagnie Authentique

C’est une histoire d’amour que raconte la pièce Pardon, celle d'une femme avec un homme qui a été violé par un prêtre quand il avait 8 ans. Cette histoire, c’est celle de Laurent Martinez, qui joue son propre rôle dans la pièce. « Il y a  99 % d’authenticité dans cette pièce, c’est véritablement ma vie que je raconte. Je suis allé piocher des anecdotes dans toutes les tranches de ma vie, pour montrer les difficultés engendrées par ce traumatisme, et notamment la difficulté à construire une relation amoureuse. » En parallèle, on retrouve le dialogue d’une religieuse qui essaye de faire bouger les choses en matière d’abus dans l’Église, face à un prêtre plus conservateur. « On voit la complexité de l’Église qui n’arrive pas à régler le problème de la pédocriminalité, avec d’un côté des personnes qui s’engagent pour que tout cesse, et de l’autre, des personnes qui sont encore dans le déni », explique l'auteur de la pièce.

Depuis sa première représentation au festival d’Avignon en 2019, Laurent Martinez a joué cette pièce près de 80 fois, régulièrement invité par des diocèses. C’est le cas du diocèse de Coutances et Avranches qui a programmé trois représentations les 4, 5 et 6 septembre, à Avranches, Carentan-les-Marais et Cherbourg.

 Pour avancer, j’avais besoin de comprendre 

Pour écrire cette pièce, Laurent Martinez a fait des recherches sur la pédocriminalité, recherches qui lui ont permis de rencontrer Latifa Bennari, présidente de l’Ange bleu, une association qui met en relation des victimes et des personnes pédophiles. « Il y a toute une complexité derrière ce sujet qui mérite d’être comprise pour avancer et trouver des solutions. La condamnation de la pédocriminalité est nécessaire, mais au-delà de ça il y a le besoin de comprendre. Il n’est pas question de guillotiner les pédophiles sur le plateau. Cette pièce est là pour susciter le questionnement» , explique-t-il.

Cette quête de compréhension a toujours été présente chez Laurent Martinez. « Enfant, après ce viol, je me suis senti coupable. Ce qui est fou, on est victime, mais on se sent coupable ! Quand j’ai décidé de vivre avec ça, je me suis dit que pour avancer j’avais besoin de comprendre. »

À 40 ans, Laurent Martinez, déjà amateur de théâtre, décide d’en faire sa profession. Étudiant au Cours Florent à Paris, il prend mieux conscience de ses blocages. « Il y avait des scènes que je n’arrivais pas à jouer. Il fallait donc que je me libère de ce traumatisme et pour cela, je devais le dire. » En deuxième année, les apprentis acteurs ont carte blanche pour présenter ce qu’ils veulent. Laurent décide de parler du viol qu’il a subi en mettant en exergue le poids du regard de l’autre et sa force incapacitante. C’était le début de la pièce Pardon?

Reportage lors de la représentation à Avranches

Renouer avec la fonction cathartique du théâtre

Après chaque représentation, un temps d’échange est prévu. « Je n’avais pas du tout conçu cette pièce comme ça, mais dès les premières représentations, les gens nous attendaient à la fin pour échanger. On renoue avec la fonction cathartique du théâtre. La pièce permet une entrée indirecte sur le sujet de la pédocriminalité et c’est une aide pour libérer la parole.» Pour Laurent Martinez, c’est d’ailleurs un tel climat d’écoute qui permet aux victimes de parler : « Le parcours d’une victime est un parcours personnel. Il faut accueillir cette souffrance, savoir entendre ce qu’il y a derrière les mots et rassurer la personne sur le fait qu’on est prêt à entendre ce qu’elle va dire ». L’acteur insiste d’ailleurs sur le caractère préventif de cette pièce, invitant les plus jeunes à y assister.

Informations pratiques : 

Tarif : 10 euros
Dès 16 ans

Le mercredi 4 septembre à Avranches, Salle Victor Hugo, 20h. Réservation
Le jeudi 5 septembre à Carentan-les-Marais, Théâtre, 20h. Réservation
Le vendredi 6 septembre à la Glacerie ( Cherbourg-en-Cotentin), Théâtre des miroirs, 20h. Réservation

Informations au 06 21 85 31 93

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