Normandie
Un million de personnes ont été accueillies par le Secours Catholique l’an dernier. L'association vient de publier son traditionnel bilan statistique, révélant que la pauvreté touche principalement les femmes, les jeunes et les étrangers. Parmi les défis majeurs identifiés : le non-recours aux prestations sociales et les difficultés d'accès liées au tout numérique. Analyse de Didier Duriez, président du Secours Catholique.
Dans son 30e rapport sur la pauvreté, le Secours Catholique appelle à la mise en place d’une politique publique de lutte contre le non-recours. Selon l’association, 36 % des personnes éligibles au RSA (Revenu de solidarité active) n’y ont pas accès.
Le rapport de l’association souligne la difficulté d’accès aux prestations sociales, liée au développement du “tout numérique”. Désormais, tout est digitalisé, tout est sur ordinateur. Didier Duriez souligne l’éloignement géographique des services, avec la fermeture des accès physiques. "Ce qu’on constate chez les personnes que nous accueillons, c’est d’abord un besoin d’écoute, de compréhension de leur situation, pour compenser ce manque d’humanité." Les bénévoles du Secours Catholique accompagnent les personnes dans leurs démarches administratives et peuvent également les aider à tenir des épiceries solidaires de proximité ou à se déplacer en cas de difficultés de mobilité, rapporte Didier Duriez.
Ce qu’on constate chez les personnes que nous accueillons, c’est d’abord un besoin d’écoute, de compréhension de leur situation, pour compenser ce manque d’humanité.
Des dispositifs ont été mis en place pour atteindre les personnes dans le besoin et isolées. L’association a développé notamment des "fraternibus", qui vont régulièrement dans les campagnes de plus en plus désertifiées, explique Didier Duriez. "En 2021, 60 % des communes n’avaient plus de commerce de proximité. C’était 25 % en 1980." Selon lui, la force du Secours Catholique réside dans son ancrage territorial fort, permettant à chaque délégation de s’attaquer à la pauvreté et à la précarité à l’échelle locale.
Le Secours Catholique accueille près d’un million de personnes dans les différents services qu’il déploie. "On constate une dégradation de la situation, avec un revenu médian des personnes que nous accompagnons en baisse de 19 euros, soit près de 3 %. Le reste à vivre est de l’ordre de 6 euros par jour." Didier Duriez déplore le contraste entre cette détérioration et un discours stigmatisant de plus en plus répandu sur les personnes bénéficiant d’aides. "Cette musique qu’on entend de plus en plus, selon laquelle certains se réfugieraient dans l’assistanat parce qu’ils vivraient mieux que s’ils travaillaient, est factuellement fausse." Il précise que, même en cumulant toutes les prestations de l’État, une personne ne peut percevoir que 70 % du SMIC au maximum.
Cette musique qu’on entend de plus en plus, selon laquelle certains se réfugieraient dans l’assistanat parce qu’ils vivraient mieux que s’ils travaillaient, est factuellement fausse.
Le véritable problème, selon lui, est l’instrumentalisation d’exemples isolés de fraude pour généraliser une idée fausse. "Oui, cela existe, mais cela concerne quelques pourcents de la population. Chez nous, c’est moins de 20 % des personnes accueillies." La grande majorité des bénéficiaires sont des personnes ayant subi des accidents de la vie, insiste le président de l'association.
Face à ces constats, Didier Duriez met en avant le rôle des maisons France Service. "Là où il y a des maisons France Service, le non-recours est plus faible. Il y a encore des marges d’amélioration, notamment en développant les compétences des agents pour faire avancer les dossiers auprès de la CAF ou pour les demandes de retraite." Ces structures jouent également un rôle de sensibilisation aux situations de précarité vécues par les bénéficiaires.
Il y a encore des marges d’amélioration, notamment en développant les compétences des agents pour faire avancer les dossiers auprès de la CAF ou pour les demandes de retraite.
Le rapport compte des dizaines de milliers de données et montre un changement dans le profil des bénévoles au sein du Secours Catholique. Depuis la crise sanitaire, les bénévoles de plus de 60 ans sont moins nombreux, tandis que les jeunes s’investissent davantage. "L’organisation avait été pensée avec une majorité de bénévoles âgés, très disponibles, alors que les jeunes, eux, ont généralement une vie sociale et professionnelle bien remplie. Nous adaptons les missions à leurs disponibilités et à leur envie de s’engager. Cela fait partie de nos grands défis, et cela fonctionne plutôt bien."
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