LE POINT DE VUE D'AYMERIC CHRISTENSEN - Alors qu’à Rome le synode sur la synodalité se poursuit, l’intérêt pour la démarche semble sérieusement s’être émoussé.
C’était sans doute inévitable, mais ce grand synode voulu par le pape n’est même pas terminé qu’il a déjà déçu. Pour les uns, il va de toute façon trop loin ; pour les autres, c’est un échec qui ne changera pas suffisamment l’Église catholique. Et sans doute qu’on peut en effet lui faire beaucoup de critiques. Mais il y en a au moins une qui ne tient pas. On s’en est suffisamment moqué pour le savoir : c’est un synode… sur la synodalité. C’est-à-dire qu’il avait d’abord pour but d’essayer de « faire autrement ». Et dans un monde où l’on déplore de ne plus savoir débattre, d’avoir de plus en plus de mal à se parler et – surtout, en réalité – à s’écouter, rien que le fait de réapprendre à mettre tous les sujets sur la table, ensemble, c’est sans doute « prophétique dans la forme », comme le souligne Thérèse du Sartel cette semaine dans La Vie.
Cette semaine, l’actualité religieuse a aussi été marquée par l’annonce de 21 nouveaux cardinaux… ce qui n’est pas sans lien avec la démarche synodale. C’est même un mouvement parallèle. Depuis maintenant 11 ans, le pape s’attache à choisir des cardinaux qui s’éloignent des centres nerveux habituels de l’Église. Pour faire bouger son centre de gravité (donc ses habitudes), mais aussi pour, d’une certaine façon, faire rentrer le monde dans Rome. Replacer des réalités, des enjeux de justice et de paix, en son cœur.
Ainsi les nouveaux cardinaux du Japon, de Côte-d’Ivoire, du Pérou ou d’Iran sont non seulement encouragés dans leur pays de mission, mais il feront pour nous aussi résonner l’Évangile dans des langues nouvelles, pour qu’il continue à nous interpeller.
Plus près de nous, il y a tout de même au moins deux noms familiers parmi ceux qui recevront la barrette cardinalice le 8 décembre : le dominicain Timothy Radcliffe et l’archevêque d’Alger Jean-Paul Vesco. Et on peut le dire : l’annonce de leur nom nous a réjouit ! Au milieu des pasteurs encouragés par le pape, voir un théologien aussi populaire et spirituel (dans tous les sens du terme…) que Timothy Radcliffe est un beau signe. Quant à Jean-Paul Vesco, c’est un évêque discret, mais plus soucieux d’être juste et de laisser parler sa conscience que de plaire… Et Dieu sait qu’il ne s’est pas fait pour ça que des amis. À travers lui, c’est aussi l’Église d’Algérie qui est mise à l’honneur. Cette petite Église du désert, pauvre et fraternelle, à l’histoire blessée et au présent sous contrainte. C’est enfin un nouveau fil du rapprochement des rives méditerranéennes entrepris par François avec différents cardinaux ces dernières années.
À une époque où le dialogue et la réconciliation sont si difficiles à vivre, tout cela résonne comme un appel à une fraternité chrétienne toujours plus profonde. Comme disait Madeleine Delbrêl, qui s’est éteinte il y a juste 60 ans : aimer « chacun comme le monde entier et le monde entier comme chacun ». Est-ce que ce n’est pas la meilleure façon de se rappeler comment « catholique » peut être synonyme d’« universel » ?
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