Du vendredi 15 au dimanche 17 mars, les Russes sont appelés aux urnes pour une élection présidentielle sans suspense. Face à la répression de toute contestation, l’opération “À midi contre Poutine”, soutenue par l’opposant Alexeï Navalny avant sa mort, appelle les Russes qui ne soutiennent pas Vladimir Poutine à aller voter dimanche à midi.
La réélection de Vladimir Poutine à la tête du Kremlin ne fait aucun doute, tant en Russie qu’à l’étranger. Sans opposition réelle majeure, conséquence de plusieurs années de répression, le président russe va rempiler pour un mandat de six ans. Les plus de 112 millions d’électeurs russes sont appelés aux urnes à partir de ce vendredi 15 mars et jusqu’au dimanche 17 mars. Si officiellement, le scrutin est bien une “élection présidentielle”, Aglae Achechova, chargée des collections du domaine russe à la Bibliothèque universitaire des langues et des civilisations, préfère le terme de “procédure électorale”.
1/15 I like the idea of anti-Putin voters going to the polling stations together at 12 noon.
— Alexey Navalny (@navalny) February 1, 2024
At noon against Putin.
C’est l’un des derniers tweets publié par le compte officiel d’Alexeï Navalny, dix-huit jours avant sa mort en prison, le 16 février. “J’aime l’idée selon laquelle les électeurs anti-Poutine doivent se rendre ensemble aux bureaux de vote à midi. À “midi contre Poutine”. Lancée début janvier, l’action vise à rassembler les électeurs russes opposés à Vladimir Poutine, pour faire part de leur mécontentement vis-à-vis du président bientôt réélu.
Le but de cette opération est de voir combien de personnes peuvent venir. Ça va permettre de voir qu'ils ne sont pas seuls
“Le but de cette opération est de voir combien de personnes peuvent venir. Ça va permettre de voir qu’ils ne sont pas seuls”, assure Aglae Achechova. Sur le site internet consacré à l’action contestataire, les alliés d’Alexeï Navalny appellent les Russes à se “présenter rapidement au bureau de vote à midi le dimanche 17 mars” et de surtout “refuser le vote électronique sous quelque forme que ce soit”. Les contestataires suggèrent plutôt de “faire la queue pour les bulletins papier”, puis “d’abîmer le bulletin de vote en le gribouillant”.
L’action désormais relayée par la femme d’Alexeï Navlany sera-t-elle pour autant massivement suivie ? “On ne peut pas le prédire”, regrette Aglae Achechova. “Beaucoup de personnes contestataires sont parties de la Russie à cause des lois répressives”, ajoute-t-elle. La mort d'Alexeï Navalny mi-février n'a fait qu'augmenter ce sentiment d'opposition. Une chose est certaine : les obsèques d’Alexeï Navalny ont montré aux Russes qu'ils n’étaient pas seuls à douter du régime en place. “Il y avait cette queue importante de personnes qui attendaient pour déposer une gerbe sur sa tombe. C’était un moment très important pour les gens”, souffle aussi la chargée des collections du domaine russe à la Bibliothèque universitaire des langues et des civilisations.
Pour la russe arrivée en France en 2003, “ce sera la seule donnée intéressante de cette procédure électorale”. Six ans après l’élection de Vladimir Poutine avec près de 78 % des suffrages, sa réélection est déjà actée. À la différence de 2018, les habitants des territoires récemment annexés sont aussi appelés aux urnes depuis plusieurs jours à l’occasion d’élections anticipées. Très loin de Moscou, la Crimée, le Donbass mais aussi les régions de Kherson ou de Zaporijia organisent des scrutins en violation du droit international. L'Ukraine dénonce “une mascarade démocratique”.
Malgré la répression, l’opposition à Vladimir Poutine s’organise aussi sur les réseaux sociaux. “Sur un chatbot lancé via l’application russe Telegram, il est proposé de photographier les bulletins de vote, pour montrer combien de personnes vont gâcher ce bulletin”. Pour cela, il est par exemple conseillé “d’écrire dessus”. L’objectif : “montrer une action contre Poutine, et exprimer son désaccord”, explique Aglae Achechova.
La contestation, par essence doit être visible. Mais si elle est visible, elle est réprimée par l'appareil de répression russe. C'est une contradiction
Si les contestataires russes, se réfugient dans les réseaux sociaux pour exprimer leur malaise, vis-à-vis de leur président, c’est qu’ils n’ont pas vraiment le choix. “La contestation, par essence, doit être visible, mais si elle est visible, elle est réprimée par l’état actuel de l’appareil de répression russe. C'est une contradiction”, admet la Russe. “Le but, c’est de paralyser les gens avec la terreur pour qu’ils n’osent pas sortir et tenter quelque chose”.
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