Le directeur de la prison de Mayotte, a démissionné lundi 7 octobre pour "attirer l’attention" sur les conditions de travail et de détention dans cet établissement surpeuplé. Partout en France, la surpopulation carcérale atteint un niveau record avec près de 79 000 détenus incarcérés.
La surpopulation carcérale n'est pas nouvelle en France mais le nombre de détenus n’a cessé de battre des records depuis plusieurs mois. Cet été, Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, alertait déjà sur une situation préoccupante après plusieurs suicides.
De 78 397 personnes incarcérées en août on est passé à 78 969 en septembre, selon les derniers chiffres du ministère de la Justice. En attendant les données d’octobre, la densité carcérale globale en France s’établit à 127,3 % ! Elle atteint même 153,6 % dans les maisons d’arrêt, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement et ceux condamnés à de courtes peines. Il existe d’importante variations à Mayotte 650 détenus pour 278 places à Nîmes, 237 % de taux d’occupation.
Des conditions de détentions indignes dénoncées régulièrement par l’Observatoire international des prisons (OIP). "Concrètement, un détenu en maison d'arrêt, est entassé à deux, parfois plus dans une cellule qui fait à peu près 9 mètres carrés. Ils vont y passer 22 heures sur 24, parfois 23 heures sur 24. 3 609 personnes incarcérées doivent dormir sur des matelas de fortune posés à même le sol. Quand vous êtes contraints à l'inactivité, que vous vivez dans une promiscuité extrême, nécessairement, ça va accentuer les tensions et les violences" décrit Prune Missoffe, responsable de l’analyse et du plaidoyer à l’Observatoire international des prisons. La violence s'exprime entre détenus mais aussi vis à vis du personnel pénitentiaire.
"Fatalement, dès qu’on ouvre la porte, on prend une tempête. Pour les agents, ça se traduit par des insultes, des menaces, des intimidations et dans le pire des cas des agressions physiques. Elles sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus violentes" rappelle Wilfried Fonck, secrétaire national du syndicat UFAP UNSA justice. À Mayotte le 28 septembre dernier une mutinerie a ainsi éclaté avec un gardien pris en otage. À Nîmes, fin septembre, des incidents ont eu lieu au retour de la promenade ou encore récemment près de Paris un surveillant a été agressé à son domicile près de Paris.
Pour certains politiques, c’est la conséquence d’une montée de la délinquance. Prune Missoffe, elle, estime que "c’est le résultat d’un durcissement des politiques pénales au fil des années". L’Observatoire international des prisons a publié deux lettres ouvertes coup sur coup au ministre de la Justice mardi et au Premier ministre lundi, demandant à Michel Barnier d’être transparent sur "l’état réel de nos politiques pénales et pénitentiaires et leur échec à protéger". Selon l'OIP, cette surpopulation "ne permet pas d'envisager la possibilité de réinsérer les détenus et favorise la récidive".
"La sortie de prison n’est pas pensée. La personne détenue va passer la grande majorité de sa peine dans une absence d'accompagnement, que ce soit d'accès à l'enseignement, d'accès à la formation ou d'accès au travail" indique Prune Missoffe.
Avant la dissolution de l'Assemblée nationale, l'exécutif avait fixé comme objectif la créer de 15.000 places de prison supplémentaire d’ici à 2027 pour atteindre une capacité de 78 000 places. Mais le programme a pris du retard et mathématiquement cela ne réglera pas le problème puisque le nombre de prisonniers actuel dépasse déjà ce chiffre.
Pour l’OIP, des mesures existent pour retrouver une densité acceptable dans les établissements comme les peines alternatives à la prison et les aménagements de fin de peine. "Deux détenus sur trois n’en bénéficient pas" souligne l’organisation. Mais lors de son discours de politique générale le 1er octobre, Michel Barnier a dévoilé les orientations d'une politique pénale plus stricte en proposant de "limiter" les possibilités des aménagements des peines laissant les professionnels de la justice très inquiets. "Comment fait on concrètement aujourd'hui pour pouvoir exécuter plus de peines ou des peines plus longues, avec un déficit capacitaire énorme et un manque de personnel qui malheureusement va aller croissant avec les départs en retraites ?" s’interroge Wilfried Fonck, secrétaire national du syndicat UFAP UNSA justice.
Les syndicats redoutent une contagion des incidents si le nombre de détenus continuent d’augmenter. Ils se disent prêts si nécessaire à un mouvement social d’ampleur. Selon une étude publiée en juin par le Conseil de l’Europe, la France est le troisième pays européen le pire en termes de surpopulation carcérale derrière Chypre et la Roumanie.
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