Ce jeudi 14 mars, l’instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) des victimes d’abus sexuels dans l’Église publie son rapport annuel. Depuis 2022, 571 victimes ont pu être indemnisées.
Plus de deux ans après la publication du rapport Sauvé, qui avait fait l'effet du bombe au sein du monde catholique, la réparation des victimes est encore en cours. L'Inirr, l'instance spécialement créée pour cette mission, a publié son rapport annuel ce jeudi.
En 2022, sur 1 133 victimes recensées, 315 personnes ont été accompagnées par un écoutant de l'Inirr (l’instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation). En 2024, ce sont plus de la moitié des personnes qui ont reçu un accompagnement, soit 868 sur 1408 individus signalés. Pour autant, la France manque terriblement de personnes formées sur le psychotrauma. L'Inirr n'en possède que 17, alors qu'il faudrait au total 25 référents.
Face à ces recensements, il revient à un collège d'experts de prendre les décisions de réparation. Depuis la création de l'Inirr, 571 victimes d'abus sexuelles dans l'Eglise ont été indemnisées. Néanmoins, ils constatent une légère diminution des sommes indemnisées, passant de 38 000 € en 2022 à 36 000 cette année. Concernant les moyens de l’Inirr, "nous avons atteint les 20 premiers millions provisionnés. Les évêques ont été relancés pour contribuer au fonds SELAM (Fonds de solidarité et de lutte contre les agressions sexuelles sur mineurs)", précise Marie Derain de Vaucresson, présidente de l'Inirr.
Dans son rapport, l'Inirr constate que les dernières actualités sur les abus sexuels dans la société ont provoqué des rebonds, avec un effet de saturation qui encourage les victimes à parler. En moyenne, ils reçoivent chaque mois entre quinze et vingt demandes d'accompagnements.
Autre constat, l'âge moyen des victimes qui sollicitent l’Inirr est en baisse. Elle est passée de 63 à 61 ans d'âge moyen. Conséquences, les condamnations judiciaires des prêtres sont plus accessibles. D'un autre côté, on observe une féminisation des victimes. Leurs témoignages permettent ainsi de libérer la parole pour d'autres femmes victimes de ces abus.
La plupart des personnes victimes d'abus sexuels présente des symptômes de stress post-traumatique que le corps n’oublie pas. Lorraine Angeneau est chargée d’expertise en psychotraumatisme à l'Innir. Pour elle, les violences sexuelles sont un déterminant majeur de problèmes de santé psychologique et physique. "Certaines victimes arrivent avec des symptômes difficiles à mettre en lien avec leur agression", constate la spécialiste. Une victime en témoigne : "Le tatouage de notre agression est indélébile. Je vis dans l’angoisse et l'impression d’être fou. C’est la double peine."
Le tatouage de notre agression est indélébile.
Le rôle de l'Inirr n'est pas d'apporter un traitement aux victimes mais de les accueillir et de les écouter. En 2023, 187 démarches restauratives ont été enclenchées. "Dès la création de l’Inirr, notre réponse n'a pas été seulement financière mais la mise en place de démarches restauratives", explique Jean-François Badin, secrétaire général adjoint et référent des démarches restauratives de l'Inirr.
Ces accompagnements sont inscrits dans le réel. Les victimes peuvent choisir d'échanger avec des représentants de l'Église, de recevoir une lettre de pardon et des informations sur leur agresseur. D'autres souhaitent obtenir le soutien d'un professionnel. "Je souhaitais comprendre le fonctionnement du traumatisme sur le plan intellectuel. Le livre “Le corps n’oublie rien" de Bassel Van der Kolk, recommandé par l'Inirr, m’a aidé", confie une autre victime.
Pour beaucoup de personnes, le devoir de mémoire permet de "transformer le silence mort du passé, en parole vivante d'aujourd'hui". "Il y a, pour moi, dans la reconnaissance, la justice et la dignité", atteste une victime. Une cérémonie mémorielle, organisée avec le diocèse, leur permet, accompagnées de leur famille, de témoigner de leurs souffrances.
Transformer le silence mort du passé en parole vivante d'aujourd'hui
L'Inirr souligne que 540 victimes sont encore en attente d'accompagnements. Le mandat de Marie Derain de Vaucresson, la présidente de l'Inirr, prendra fin le 8 novembre 2024. La question de sa réélection sera tranchée le 19 mars prochain, lors de l'Assemblée plénière des évêques de France.
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