Michel Barnier engage la responsabilité de son gouvernement. C'est un gouvernement en fin de vie, car le Rassemblement National et La France Insoumise ont immédiatement déposé une motion de censure dans l'objectif de faire chuter l'exécutif. Mathématiquement, la conjonction des extrêmes empêchera le bouclage du budget 2025 et entraînera le départ de Michel Barnier. La question de l’après se pose désormais, avec une crise démocratique qui semble bien profonde. Pascal Perrineau, politologue et professeur à Sciences Po Paris, décrypte les derniers événements politiques et leurs conséquences.
Doit-on s’attendre à une crise politique encore plus forte que celle de juin ? Le RN et le NFP ont chacun déposé une motion de censure mardi matin, qui sera examinée dans l'après-midi.
Depuis le 7 juillet 2024, une assemblée fragmentée s’est dessinée. Il n’y a plus de majorité en France, ce qui impose de développer le sens du compromis, souligne Pascal Perrineau. "Il faut se mettre autour d'une table et discuter calmement. Et là, on s’aperçoit qu'on a une classe politique française, à quelques exceptions près, qui ne sait pas pratiquer le compromis et qui parfois refuse même de le pratiquer," déplore le politologue. La France est devenue un régime parlementaire sans majorité. Et un régime parlementaire qui ne sait pas faire de compromis ne peut fonctionner, poursuit-il.
Il y a une majorité négative. LFI, le RN et le PS sont incapables d'accoucher d'une alternative gouvernementale
Depuis la dissolution, la vie politique française ressemble à un "miroir brisé", explique le professeur de sciences politiques. "Nous sommes entrés dans une phase où il faudrait découvrir les vertus du compromis, que toutes les démocraties parlementaires pratiquent autour de nous. Mais nous n'y arrivons pas, ou nous refusons de le faire." Pascal Perrineau attribue cette situation à des décennies de bipolarité du système politique français. "Jacques Lang disait en 1980 : Il y avait la nuit, maintenant le jour arrive." Il déplore également l’immaturité et l’irresponsabilité de nombreux acteurs politiques. "Il y a une majorité négative. LFI, le RN et le PS sont incapables d'accoucher d'une alternative gouvernementale."
Le Rassemblement National a déposé une motion de censure et annoncé qu’il voterait celle déposée par la gauche. Selon Pascal Perrineau, Michel Barnier avait pourtant envoyé de multiples signaux en faveur du compromis au parti de Marine Le Pen. Ces dirigeants semblent néanmoins refuser la voie de l’entente, analyse le politologue. "On sent bien, pour diverses raisons, que le Rassemblement National et ses dirigeants ne souhaitent pas le compromis. Ils privilégient l’affrontement, espérant peut-être, ce qui est très risqué, une présidentielle anticipée dans laquelle ils pourraient tirer profit du climat pour enfin s’imposer."
On sent bien, pour diverses raisons, que le Rassemblement National et ses dirigeants ne souhaitent pas le compromis.
Pascal Perrineau met en garde contre un éventuel retour de bâton. L’opinion publique pourrait réagir vivement à cette instabilité politique. "Elle jugera certains acteurs responsables de la situation critique sur les plans politique, économique et financier, qui sera engendrée par une chute éventuelle du gouvernement Barnier. Et le Rassemblement National pourrait en payer le prix." Ce parti, qui cherche depuis des années à se présenter comme une formation responsable et prête à gouverner, pourrait être perçu comme ayant fait un pas en arrière. "Le procès des assistants parlementaires du RN au Parlement européen, les accusations visant Marine Le Pen et surtout la sévérité des réquisitions des procureurs dans cette affaire ont probablement agacé Marine Le Pen. Cela l’a conduite à adopter des positions beaucoup plus intransigeantes vis-à-vis du gouvernement," conclut-il.
Michel Barnier a initié une réflexion sur le mode de scrutin, confiée à Pascal Perrineau, qui doit rendre ses conclusions au printemps prochain. Le politologue précise qu’une réforme du mode de scrutin pourrait être réalisée par voie législative, sans nécessiter de modification constitutionnelle. "Le scrutin majoritaire à deux tours ne fonctionne plus, car les Français en font un usage proportionnel. Ce système, conçu pour favoriser des coalitions majoritaires capables de gouverner, ne remplit plus cet objectif." Pascal Perrineau appelle à une ouverture du système par un mode de scrutin mixte, intégrant une part de proportionnelle. Cela permettrait de donner un nouveau souffle à la démocratie parlementaire et d'encourager la culture du compromis chez les élus.
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