Avant la réouverture de Notre-Dame de Paris, dans le dossier de la rédaction RCF revient sur les grandes étapes de la vie de la cathédrale avec Bruno Seillier, directeur artistique auteur en autre de la scénographie d’Eternelle Notre Dame. Après la construction, le pouvoir royal et la Révolution, le regard se porte sur la renaissance avec la grande restauration de Viollet-le-Duc.
En 1831, Victor Hugo, a publié son célèbre roman Notre-Dame de Paris. Est-ce qu'il est le déclencheur de la prise de conscience qu'il faut une rénovation à Notre-Dame de Paris ?
Quand paraît Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, effectivement, c’est un choc. Mais d'autres écrivains, comme Charles de Montalembert ou Chateaubriand, aussi se sont intéressés à la cathédrale. Mais incontestablement, l'histoire retiendra le livre de Victor Hugo, même si le regard qu'il porte sur Notre-Dame est tout à fait original par rapport à ce qu'était l’édifice.
Comment vont s'organiser les décisions politiques qui vont aboutir à la rénovation de Viollet-le-Duc ?
C'est très paradoxal, mais c'est sous la révolution que vont naître les premières lois de sauvegarde du patrimoine, Curieusement, alors que la révolution a beaucoup détruit. On n'a pas encore l'habitude, c'est une nouveauté avant, on construisait des palais, des églises, on reconstruisait sans cesse. Ce souci de sauvegarde est encore à organiser et donc, il n'y a pas encore les formes actuelles des concours, telles qu'on les connaît. En 1843, ce n'est pas encore un appel d'offres. La demande de restauration pour Notre Dame est déposée le 31 janvier. Il n'y a pas de forme précise, c’est fait de façon empirique. Seuls Lassus et Viollet-le-Duc vont déposer un dossier dans les temps et donc ces deux architectes vont se voir confier un chantier hors normes : Notre-Dame de Paris. Le 30 avril 1844, ils obtiennent la responsabilité de ce marché, mais tout ne va pas se passer comme prévu.
Pourquoi ça ne se passe pas comme prévu, justement ?
Parce que c'est une grande première et que Viollet-le-Duc va mettre en place toute sa méthodologie. Il va ensuite la déployer après pendant des décennies. Mais il y a une méconnaissance préalable du monument. Le budget initialement prévu est consommé très rapidement. Le chantier va s'arrêter dès 1850. Il n'y a pas eu d'évaluation financière du projet de restauration. Mais Viollet le Duc, avec sa puissance de travail extraordinaire, sa culture aussi, son appétit de bien comprendre, va petit à petit s'emparer de Notre-Dame, dans ses détails pour essayer de la sublimer, de la rendre comme une cathédrale idéale, telle qu'elle pouvait être ou devait être au XIIIe siècle. Viollet-le-Duc va sauver Notre-Dame incontestablement, avec une créativité extraordinaire, qui fait que son œuvre est totalement intégrée à ce qu'est Notre-Dame, quoi qu'il arrive.
Viollet-le-Duc va sauver Notre-Dame incontestablement, avec une créativité extraordinaire.
Si on comprend bien, au départ, Viollet-le-Duc n'a pas de plan initial, il va le construire au fur et à mesure.
Oui, et puis en plus, la première phase est conforme et respectueuse. Il y avait tout pour rassurer en quelque sorte les spécialistes des monuments. Ils disaient qu'il faut avancer avec beaucoup de prudence, ne pas faire de choses irréversibles. Donc tout est très prudent. Et petit à petit, il va déployer son inventivité, sa créativité, avec une flèche qui est plus grande que celle qu'il y avait au XIIIe siècle. Des décorations dans les chapelles, aussi une interprétation de la peinture du XIIIe siècle. Et puis après, les gargouilles, les crochets, les chimères et autres créatures fantastiques. Il y a tout un bestiaire qui va faire son apparition sur les tours de Notre-Dame. Et là, c'est là qu'il va s'attirer le plus de critiques.
Pourquoi il est critiqué à l'époque ?
Parce que justement, il interprète, il ne fait pas que restaurer, il veut redonner au monument une forme idéale. Donc il va rajouter des choses. Il y a pas mal de points, il va s'intéresser à de nombreux points. Donc il va restaurer les sculptures de la façade occidentale, qui ont été détruites. Alors là, sa main a été heureuse, parce qu'elles sont tout à fait conformes aux sculptures du XIIIe siècle. La flèche, il va lui donner un grand faste. Il va l'entourer du collège apostolique, 12 statues. Il va dans ces statues de cuivre se représenter lui-même en Saint-Thomas. Il va reprendre les fenêtres hautes du transept. Il va sauver les grandes roses, réadapter la grande rose du côté sud, du transept sud, une nouvelle sacristie, la restauration des peintures, des ventaux. Il va s'attacher à beaucoup de choses. Donc, la patte de Viollet-le-Duc est maintenant visible dans presque la totalité de la grande restauration du XIXe. Un travail auquel on peut rendre grâce et qui a perduré jusqu'à l'incendie tragique du 19 avril 2019.
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