Les taxes douanières de Donald Trump sont entrées en vigueur ce jeudi. 10 % minimum pour chaque pays et pour l’Union européenne + 20 % supplémentaires. Depuis le 2 avril, les marchés financiers ont eu le temps de paniquer et les filières les plus exportatrices de s’alarmer parmi lesquelles les produits laitiers en particulier les fromages.
C’est évidemment l’un de nos emblèmes gastronomiques. Les exportations de produits laitiers vers les Etats-Unis ont représenté l’an dernier 350 millions d’euros de chiffres d’affaires. A 75 %, il s’agit de fromages principalement des pâtes molles, type brie et des pâtes cuites comme l’emmental. Pour des raisons sanitaires, les Etats-Unis refusent les fromages au lait cru. Pour la filière laitière française, le pays est le 3e client hors Europe et le 8e client mondial. Les droits de douane de Donald Trump, dévoilés le 2 avril, représentent donc un danger pour ce secteur.
"La grosse inquiétude, c'est la déstabilisation des marchés européens et mondiaux. Pour l'instant, il y a beaucoup... d'incertitudes", redoute Pascal Le Brun, producteur de lait en Normandie et président du CNIEL, le centre national interprofessionnel de l’économie laitière. La filière laitière pourrait donc être la deuxième après les vins et alcool, à pâtir des taxes Trump. L’Association nationale des industries alimentaires chiffre l’impact à 62 millions d’euros.
Certaines grandes entreprises laitières vont réfléchir à réduire leur marge. Mais les purs exportateurs en AOP (qui par définition ne sont pas délocalisables), les coopératives et PME sont très exposés. Au Pays Basque par exemple, la fromagerie Agour réalise environ 10 % de ses exportations vers les Etats-Unis sur un créneau haut gamme. "Compenser les taxes douanières en baissant nos prix n’est pas envisageable", souligne Peio Etxeleku le responsable de l’entreprise. "Nous sommes sur des produits avec des marges extrêmement faibles, d'autant plus faibles depuis le choc inflationniste que nous subissons depuis 2021. Il est clair que nos prix vont augmenter".
Les AOP sont plus ou moins présentes aux Etats-Unis. Cela pèse pour 1 % des exportations du Comté par exemple, mais 9 % pour le Roquefort, le 5e marché mondial pour l’appellation. Ce fromage à une longue histoire avec les Etats-Unis avec des ventes dès le 19e et le Roquefort a déjà été victime d’une guerre commerciale, outre atlantique au début des années 2000. "On a connu dix années de surtaxation à 100 %. C’était en rétorsion à la décision de l'Union européenne de refuser l'importation de bœuf aux hormones", rappelle Sébastien Vignette, coordinateur général de la coordination générale du Roquefort. "En 2011, on avait perdu 37 % des ventes. La filière avait baissé un petit peu le prix de vente pour amortir l'effet des taxes. Mais cela avait été douloureux et coûteux, pas moins de 20 millions d'euros sur la décennie".
Comme pour les vins et spiritueux, il paraît difficile de trouver à court terme des marchés de substitution. La guerre commerciale peut donc potentiellement être de nature à peser sur la collecte de lait auprès des agriculteurs. "Si l'effet de ces taxes-là s'inscrit dans le temps. Nous devrons avoir un plan européen de soutien important parce que nous sortons d'une double période de fragilisation extrême : la crise Covid, d'abord et le choc inflationniste de la guerre en Ukraine. Ce choc supplémentaire fait que, l'ensemble de la filière de production de lait de brebis et sa transformation, sont en danger", analyse Peio Etxeleku.
La filière laitière a donc appelé les autorités européennes et françaises à engager des discussions avec Washington. "La France, l'Europe doivent riposter, mais sans escalade. Il faut trouver le bon compromis et ne pas se faire pénaliser deux fois", souligne Pascal Le Brun. Ce mercredi après-midi, les Vingt-Sept ont validé leurs premières représailles, la taxation de plus 20 milliards d’euros de produits américains avec certaines produits agricoles comme le soja, la volaille ou le riz.
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